vendredi 22 mai 2009

Comment aider les fidèles à entrer dans l'adoration ?

Soyez sans crainte, c'est un prêtre qui vous soumet une question à son frère mieux informé. Lors de l'adoration eucharistique pour mieux signifier que celle ci s'origine à la célébration et renvoie à la célébration... ne croyez vous pas qu'il serait opportun de placer sur l'autel ou dans son environnement, assez prêt de "l'ostensoir", le livre de la Parole et un calice vide et la patène ?

Si je suis persuadé qu'il faut trouver des moyens pédagogiques et pastoraux pour
aider le peuple chrétien à ne pas séparer l'adoration eucharistique de sa
célébration, je ne suis pas sure que les moyens que vous proposiez soient les
meilleurs.

Il est certainement bon de lire ou de relire ce qui est écrit dans le "rituel
pour l'eucharistie en dehors de la messe" qui fait des propositions et son
commentaire autorisé publié récemment par le CNPL dans un nouveau guide
célébrer dont je vous recommande aussi la lecture.

Je vous donne ci-après un texte du Père Prétot, écrit récemment et qui donne
quelques rappels historiques et théologiques. A méditer aussi.
Bien à vous.

P. Pierre Deprecq

"Communion et adoration eucharistique", Guide pastoral du rituel de
l'eucharistie en dehors de la messe

Ce guide est publié par les Editions du Cerf, et vendu au prix de 12 €.

Si la célébration de l'eucharistie est le centre de toute la vie chrétienne
tant pour l'Eglise universelle que pour les communautés locales, selon
l'enseignement du concile Vatican II, il faut en tirer deux conséquences : tout
ne se limite pas à elle, puisque si elle en est le centre elle n'en est pas le
tout; elle doit avoir des prolongements dans les divers aspects de la vie
ecclésiale.

C'est dans cette perspective que ce Guide Célébrer aborde les pratiques
eucharistiques qui découlent directement de la célébration de la messe, et qui
se développent en dehors de celle-ci. Cela concerne essentiellement les
pratiques de communion et d'adoration: communion portée aux malades ou aux
absents, communion en viatique; adoration, exposition et procession du
Saint-Sacrement.

Dnas un langage simple et concret, ce guide aborde les fondements du culte
eucharistique, d'abord dans la messe, puis dans ses prolongements en dehors de
la messe (1ère partie), avant de traiter des questions concrètes et pratiques
d'un point de vue essentielelemnt pastoral (2ème partie) dans la communion et
l'adoration.

Ce Guide Célébrer est un véritable outil de réflexion et de formation,
complément des précédents (Guide célébrer n°6 «59 questions sur l'eucharistie»;
n° 9 et 10 «L'art de Célébrer»), et constitue un guide pastoral pour
l'utilisation du Rituel de l'eucharistie en dehors de la messe (Ed. CLD, 1983)
trop peu connu.

SOMMAIRE

Introduction

Première partie
Fondements
1. Le caractère central de l'eucharistie dans la vie chrétienne
2. Une messe adorable
3. Proposer la foi en la présence réelle : une approche
4. Les ministres de l'eucharistie
5. Le culte eucharistique en dehors de la messe : un peu d'histoire
6. Communion et dévotion


Deuxième partie
Propositions pastorales
7. La dimension ecclésiale de la communion
8. La pastorale de la communion des malades
9. Célébrer la communion portée aux malades
10. Le viatique
11. Communion communautaire, en dehors de la messe
12. Le culte eucharistique en dehors de la messe : l'intelligence qu'en donne le
Rituel
13. Les différentes formes de culte à rendre à l'eucharistie
14. le lien entre la célébration de la messe et l'exposition du Saint-Sacrement
15. Le lieu de la réserve : aménagement et disposition des lieux



ANNEXES
I : Chants pour l'adoration eucharistique
II : A propos de la communion aux ADAP
III : Déroulement type d'une ADAP
IV : Adoration eucharistique : trois propositions



INDEX THEMATIQUE

Sur l’adoration eucharistique

Le Fr Patrick Prétot, osb, directeur de l'Institut Supérieur de Liturgie de
l'Institut Catholique de Paris propose un exposé des repères docrinaux et
liturgiques à propos de l'Adoration Eucharistique.

Paris, 29 janvier 2005

Sur l’adoration eucharistique quelques propositions

Je m’adresse à des formateurs dans un exercice de discernement : il s’agit
d’aider les jeunes qui partiront pour les JMJ de Cologne à se situer dans la
foi de l’Eglise en se souvenant de l’adage Lex orandi, lex credendi : l’Eglise
croit comme elle prie. Le présent exposé cherchera donc à fournir des repères à
la fois doctrinaux et liturgiques pour une pratique qui connaît aujourd'hui,
notamment chez les plus jeunes, un attrait certain. Il n’est pas dans mon
projet de faire une analyse de type sociologique des motivations profondes qui
conduisent à ces retrouvailles. Toutefois, il me paraît essentiel de dire
d’emblée qu’à mes yeux, cette question est liée étroitement à deux questions
que l’on peut désigner comme touchant à la vie spirituelle.
En premier lieu, il n’est pas facile de tenir en silence. La contemplation de
l’hostie est, pour beaucoup, certainement une aide pour entrer dans la prière
silencieuse. En second lieu, il est encore plus difficile d’entrer en prière,
c’est-à-dire d’entrer dans une relation vivante avec un Dieu personnel. La
sensibilité des plus jeunes à ce que l’on appelle en théologie catholique la «
présence réelle », c’est-à-dire la présence du Seigneur sous les espèces
consacrées, est certainement liée à la soif de la prière qui habite nos
contemporains et en même temps, au défi de la foi dans le monde contemporain.
Car dans un monde paradoxal où le pluralisme religieux et l’indifférence
religieuse semblent faire corps pour rendre particulièrement rude le combat
spirituel, l’adoration eucharistique se présente comme une voie de grande
richesse pour nourrir la vie spirituelle.
Mgr Jacques Perrier, évêque de Lourdes, a sur ce point parfaitement mis en
lumière la question en écrivant : « L'adoration eucharistique me semble
aujourd'hui opportune pour caractériser la spiritualité proprement chrétienne.
La prière chrétienne est sous le signe du dialogue, du face-à-face, de
l'alliance. L'union n'est pas l'anéantissement du croyant. Le voyage vers
l'intérieur n'est pas la recherche des énergies spirituelles qu'il suffirait de
libérer. Or nous savons la séduction de ces méthodes d'intériorité, plus
psychologiques que proprement religieuses. L'adoration eucharistique n'est pas
la panacée. Elle comporte sûrement ses dangers, du moins ses limites. Mais elle
est une piste praticable, en particulier par les jeunes et tant de gens qui
disent "ne pas savoir prier". Ne nous en privons pas. Ne les en privons pas. »
C’est donc parce que l’adoration eucharistique est une voie privilégiée pour un
renouveau spirituel aujourd'hui, qu’il est essentiel d’en mesurer les risques
et les chances, mais aussi d’en favoriser une pratique à la fois pertinente et
bien située dans la tradition de l’Eglise.

1.- Un renouveau appuyé par le magistère
Le magistère romain dans les dernières années, notamment le Pape Jean Paul II
dans sa dernière encyclique Ecclesia de Eucharistia (17 avril, Jeudi Saint
2003) , mais aussi déjà Paul VI dans Mysterium fidei (3 septembre 1965) , a
rappelé avec insistance
l’importance et la valeur de la dévotion eucharistique.
Dans l’histoire, depuis le Moyen Age et le Concile de Trente, la place de la
dévotion au Saint Sacrement n’a pas toujours été identique : il y a
semble-t-il, des moments forts et d’autres qui le sont moins. On peut
considérer dans les périodes de forte « dévotion eucharistique » la deuxième
moitié du XVIIe et la première du XVIIIe mais aussi la seconde partie du XIXe
siècle et la première du XXe siècle, et ceci vaut non seulement pour
l’adoration eucharistique mais pour l’ensemble du culte du Saint Sacrement. A
l’époque contemporaine, après un temps de reflux assez net dans les années
1960-1980, ces pratiques ont été remises en avant, à partir des années 80-90,
en partie sous l’impulsion des communautés nouvelles. Elles connaissent
aujourd'hui un large développement incluant les paroisses et touchent fortement
les couches les plus jeunes des communautés chrétiennes, y compris parfois les
enfants. Nous sommes donc peut être entrés dans un de ces temps forts de la
dévotion eucharistique qui revient au long de l’histoire.
Jean Paul II, Encyclique Ecclesia de Eucharistia, Jeudi Saint, 17 avril 2003,
n.25 : « Le culte rendu à l'Eucharistie en dehors de la Messe est d'une valeur
inestimable dans la vie de l'Église. Ce culte est étroitement uni à la
célébration du Sacrifice eucharistique.
La présence du Christ sous les saintes espèces conservées après la Messe –
présence qui dure tant que subsistent les espèces du pain et du vin – découle
de la célébration du Sacrifice et tend à la communion sacramentelle et
spirituelle . Il revient aux pasteurs d'encourager, y compris par leur
témoignage personnel, le culte eucharistique, particulièrement les expositions
du Saint-Sacrement, de même que l'adoration devant le Christ présent sous les
espèces eucharistiques ». Il est bon de s'entretenir avec Lui et, penchés sur
sa poitrine comme le disciple bien-aimé (cf. Jn 13, 25), d'être touchés par
l'amour infini de son coeur. Si, à notre époque, le christianisme doit se
distinguer surtout par « l'art de la prière » , comment ne pas ressentir le
besoin renouvelé de demeurer longuement, en conversation spirituelle, en
adoration silencieuse, en attitude d'amour, devant le Christ présent dans le
Saint- Sacrement ? Bien des fois, chers Frères et Soeurs, j'ai fait cette
expérience et j'en ai reçu force, consolation et soutien !

De nombreux saints nous ont donné l'exemple de cette pratique maintes fois louée
et recommandée par le Magistère . (…) L'Eucharistie est un trésor inestimable:
la célébrer, mais aussi rester en adoration devant elle en dehors de la Messe
permet de puiser à la source même de la grâce. Paul VI, (Encyclique Mysterium
fidei, 3 septembre 1965) Ce culte d’adoration dû au sacrement de l’Eucharistie,
l’Eglise l’a exprimé et continue de l’exprimer non seulement durant la messe
mais aussi en dehors de cette célébration ; elle conserve avec le plus grand
soin les hosties consacrées, les présente aux fidèles pour qu’ils les vénèrent
avec solennité et les porte en procession pour la joie des foules nombreuses.
63 De cette foi unique est née également la Fête-Dieu ; (…). 64 C’est pourquoi,
vénérables frères, Nous vous prions (…) de ne pas ménager les paroles et les
efforts pour promouvoir le culte eucharistique vers lequel, en définitive,
doivent converger toutes les autres formes de piété. 66 Que chaque jour, comme
c’est à souhaiter, les fidèles participent, nombreux et activement au sacrifice
de la messe, qu’ils se nourrissent de la sainte communion avec un coeur pur et
saint, et qu’ils rendent grâces au Christ notre Seigneur pour un si grand
bienfait. (…) De plus, que les fidèles ne négligent point au cours de la
journée de rendre visite au Saint-Sacrement qui doit être conservé dans les
églises en un endroit très digne, avec le plus d’honneur possible, selon les
lois liturgiques ; car la visite est envers le Christ notre Seigneur, présent
dans ce sacrement, une marque de gratitude, un gage d’amour et un hommage de
l’adoration qui lui est due. 67 Chacun comprend que la divine Eucharistie
confère au peuple chrétien une dignité incomparable. Car non seulement durant
l’oblation du sacrifice et quand se fait le sacrement, mais encore après, tant
que l’Eucharistie est gardée dans les églises et oratoires, le Christ est
vraiment l’Emmanuel, « Dieu avec nous ». Car jour et nuit, il est au milieu de
nous et habite avec nous, plein de grâce et de vérité (Jean 1, 14) ; il
restaure les moeurs, nourrit les vertus, console les affligés, fortifie les
faibles et invite instamment à l’imiter tous ceux qui s'approchent de lui, afin
qu’à son exemple ils apprennent à être doux et humbles de coeur, à chercher non
leurs propres intérêts, mais ceux de Dieu. Ainsi quiconque entoure le vénérable
sacrement d’une dévotion spéciale, et tâche d’aimer d’un coeur disponible et
généreux le Christ qui nous aime infiniment, éprouve et comprend pleinement,
avec beaucoup de joie intérieure et de fruit, le prix de la vie cachée avec le
Christ en Dieu (Col. 3, 3); il sait combien il est précieux de s’entretenir
avec le Christ, car il n’est sur terre rien de plus doux, rien de plus apte à
faire avancer dans les voies de la sainteté. 68 Vous savez aussi, vénérables
frères, que l’Eucharistie est gardée dans les églises et les oratoires comme le
centre spirituel de la communauté religieuse ou paroissiale, et même de l’Eglise
universelle et de l’humanité entière, car sous le voile des saintes espèces elle
contient le Christ, chef invisible de l’Eglise, rédempteur du monde, centre de
tous les coeurs, « par qui tout existe et par qui nous sommes (1 Cor. 8, 6) »
69 Par suite, le culte eucharistique porte avec force à développer l’amour «
social »; animés par cet amour, nous préférons le bien commun au bien
particulier, faisons nôtre la cause de la communauté, de la paroisse, de
l’Eglise universelle, et étendons la charité au monde entier, sachant que
partout il y a des membres du Christ.

2.- Un marqueur de sensibilités dans l’Eglise
La dévotion eucharistique est parfois perçue comme un marqueur de sensibilités à
l’intérieur du catholicisme français. Il y a ceux qui sont très favorables,
voire militants avec une sensibilité si vive à l’égard de l’adoration
eucharistique qu’ils semblent lui attribuer une importance plus grande que la
célébration elle-même. Il y a aussi ceux qui sont plus réservés et qui le
manifestent en invoquant le fait que le Christ a commandé de célébrer
l’Eucharistie (« Faites ceci en mémoire de moi ») et de communier (« prenez et
mangez… prenez et buvez ») mais qu’il n’a pas commandé d’adorer . Il y a aussi
un bon nombre qui n’ont qu’une pratique limitée en ce domaine, ou qui ne
connaissent ou ne comprennent pas bien ce que cela signifie. Ces différences de
sensibilité affectent les communautés chrétiennes : elles tiennent parfois aux
itinéraires et aux appartenances, mais aussi aux expériences faites et bien
souvent aux appartenances générationnelles. Il n’est pas toujours facile de se
comprendre et il est important de ne pas soupçonner a priori les différentes
attitudes sur ce point, de percevoir la pratique de l’autre comme une
déviation.

3.- Le discernement opéré par le Mouvement Liturgique et le Concile Vatican II
Les acteurs du Mouvement Liturgique, depuis la deuxième guerre mondiale
notamment, ont été globalement en retrait envers les manifestations de dévotion
eucharistique. Cette réserve s’explique avant tout par leur combat en faveur de
la « participation active » inspiré par le Pape saint Pie X (Motu proprio sur
la musique liturgique de 1903), repris par les papes Pie XI et surtout Pie XII
(Encyclique Mediator Dei, 1947) et qui a conduit à son affirmation solennelle
par le Concile Vatican II comme un principe fondateur de toute vie liturgique :
« La Mère Eglise désire fortement que tous les fidèles soient amenés à cette
participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui
est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu du
baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, "race élue,
sacerdoce royal, nation sainte, peuple que Dieu s’est acquis" (1P 2,9 ; cf.
2,4-5). Cette participation pleine et active de tout le peuple doit être
recherchée avec le plus grand soin dans l’oeuvre visant à restaurer et à
promouvoir la liturgie : elle est en effet la source première et en même temps
indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien
; et c’est pourquoi les pasteurs d’âmes doivent chercher avec soin à l’atteindre
dans toute leur action pastorale, par la formation qui convient » (Vatican II,
Constitution sur la liturgie, n. 14)
De ce principe le Concile Vatican II tirait les conséquences à propos de la
célébration eucharistique en disant :
« L’Eglise s’applique avec un soin attentif à ce que les fidèles n'assistent pas
à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le
comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent consciemment,
pieusement et activement à l'action sacrée, se laissent instruire par la Parole
de Dieu, refassent leurs forces à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces
à Dieu, et qu’offrant la victime sans tache non seulement par les mains du
prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent ainsi à s’offrir eux-mêmes
et soient conduits de jour en jour, par le Christ médiateur, à la perfection de
l’unité avec Dieu et de l’unité entre eux, pour que finalement Dieu soit tout
en tous » (Vatican II, Constitution sur la liturgie, n. 48) .
Le primat accordé, à juste titre, à la célébration communautaire de
l’Eucharistie conduisait certains à considérer que les manifestations de
dévotion risquaient de détourner les fidèles de cette « participation active »
aux célébrations en les enfermant dans une forme de piété individuelle au
détriment de la dimension ecclésiale de la vie liturgique.
Plus encore, l’adoration risquait d’installer dans une vision quelque peu
déséquilibrée du mystère eucharistique en mettant, de manière unilatérale,
l’accent sur la présence du Seigneur (ce que l’on appelle « présence réelle »
en théologie catholique) alors que la lex orandi – la loi de la prière,
c’est-à-dire ce que fait l’Eglise lorsqu’elle célèbre l’Eucharistie – met en
lumière le mémorial pascal par lequel nous offrons à Dieu le Père le sacrifice
du Christ, qui est en même temps le sacrifice d’action de grâces de l’Eglise,
et qui trouve son accomplissement dans la communion, source de notre unité.
C’est ce qu’exprime si bien la Prière eucharistique : « Faisant ici mémoire de
la mort et de la résurrection de ton Fils, nous t’offrons, Seigneur, le pain de
la vie et la coupe du salut, et nous te rendons grâce, car tu nous as choisis
pour servir en ta présence. Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au
corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un
seul corps » (Prière eucharistique n. 2).
Pour certains liturgistes, l’adoration risquait donc de détourner les fidèles
d’une conception authentique de l’Eucharistie qui s’exprime dans la célébration
elle-même. Certains ont sans doute pensé que les retrouvailles avec la
participation active allaient faire tomber en désuétude des pratiques
dévotionnelles de leur jeunesse qu’ils avaient trouvées envahissantes et qui
semblaient en concurrence avec une vie liturgique déployée dans toute sa
plénitude .
L’adoration pouvait conduire également à des représentations faussées de la
présence réelle car la présence du Seigneur dans l’Eucharistie est une présence
dynamique, inséparable du geste par lequel le Christ se donne pour le salut du
monde : « L'Église a reçu l'Eucharistie du Christ son Seigneur non comme un
don, pour précieux qu'il soit parmi bien d'autres, mais comme le don par
excellence, car il est le don de lui-même, de sa personne dans sa sainte
humanité, et de son oeuvre de salut. Celle-ci ne reste pas enfermée dans le
passé, puisque “tout ce que le Christ est, et tout ce qu'il a fait et souffert
pour tous les hommes, participe de l'éternité divine et surplombe ainsi tous
les temps...” » .

On le voit, le Mouvement Liturgique du XXe siècle et le Concile Vatican II ont
exercé un véritable discernement théologique sur cette pratique et cela pour
préserver la foi en la présence du Seigneur sous les saintes espèces de toute
forme de déviation. On peut noter que la Constitution sur la sainte liturgie du
Concile Vatican II ne parle pas de l’adoration eucharistique, et cela même dans
le chapitre II consacré au mystère de l’Eucharistie. Mais elle est comprise
dans l’évocation générale des « pieux exercices » (SC 12 et 13), c’est-à-dire
des diverses manifestations de piété. Le n. 48 de la Constitution, cité
ci-dessus, est significatif car pour promouvoir la participation active à
l’action sacrée (sacram actionem conscie, pie et actuose participent), il
évoque son contraire en parlant de « spectateurs étrangers et muets ».

Le n. 55 de la Constitution participe également de cette réserve puisqu’il «
recommande fortement » la communion sacramentelle présentée comme la « parfaite
participation à la messe » (perfectior Missae participatio). Cette
recommandation pouvait trouver un appui dans le combat du mouvement
eucharistique du début du XXe siècle (Dom Vandeur) en faveur de la communion
fréquente.
Nous devons donc sans cesse nous interroger sur nos pratiques. Car à chaque
époque, l’Eglise a accompagné l’efflorescence de la dévotion en jouant sur les
multiples palettes des interventions pastorales depuis les incitations et les
encouragements jusqu’aux
mises en garde contre certaines déviations en passant surtout par des
prescriptions assurant la rectitude des pratiques. Comme par le passé, il
convient encore aujourd'hui d’accompagner le mouvement actuel en n’oubliant pas
le grand travail de discernement
effectué par nos prédécesseurs.

4.- Des repères doctrinaux
Pour rappeler brièvement le cadre doctrinal de cette réflexion, il est
intéressant de relire la manière dont le Catéchisme de l’Eglise Catholique
traite de cette question à l’intérieur du chapitre sur l’Eucharistie.

41.- Les catégories fondamentales : Mémorial, offrande et présence
L’exposé sur l’Eucharistie commence par poser les grands axes :
- l’Eucharistie est présentée comme sacrement institué par le Christ : ce qui
assure la permanence de sa substance à travers la diversité de ses formes ;
1356 Si les chrétiens célèbrent l'Eucharistie depuis les origines, et sous une
forme qui, dans sa substance, n'a pas changé à travers la grande diversité des
âges et des liturgies, c'est parce que nous nous savons liés par l'ordre du
Seigneur, donné la veille de sa passion: "faites ceci en mémoire de moi" (1Co
11,24-25).

- l’Eucharistie est ensuite abordée à partir de trois catégories fondamentales :
mémorial, offrande et présence ;
1357 Cet ordre du Seigneur, nous l'accomplissons en célébrant le mémorial de son
sacrifice. Ce faisant, nous offrons au Père ce qu'il nous a Lui-même donné: les
dons de sa création, le pain et le vin, devenus, par la puissance de l'Esprit
Saint et par les paroles du Christ, le Corps et le Sang du Christ : le Christ
est ainsi rendu réellement et mystérieusement présent.

- et enfin ces trois catégories sont mises en relation avec la foi trinitaire ce
qui conduit à l’inversion de l’ordre des deux premières pour rejoindre la
dynamique même de la Prière Eucharistique ;

1358 Il nous faut donc considérer l'Eucharistie :
- comme action de grâce et louange au Père,
- comme mémorial sacrificiel du Christ et de son Corps,
- comme présence du Christ par la puissance de sa Parole et de son Esprit.

C’est dans la partie « présence du Christ », le troisième aspect du
développement sur l’Eucharistie que vient la question du culte eucharistique,
mais le mouvement du texte est tel qu’on ne peut séparer l’aspect de présence
des deux autres aspects, l’action de grâce et la louange d’une part, le
mémorial sacrificiel d’autre part.

Devant le développement actuel de la dévotion au Saint-Sacrement, il convient
donc de ne pas laisser s’affaiblir le lien essentiel entre ces trois aspects.
On doit en particulier toujours se demander en quoi et comment telle forme du
culte de la présence réelle renvoie ou ne renvoie pas aux deux autres aspects
d’action de grâce et de louange au Père et mémorial sacrificiel du Christ et de
son Corps.

42.- Une mise en perspective des pratiques dévotionnelles dans leur rapport à la
liturgie.
Le culte de l’Eucharistie fait l’objet d’un développement où l’on peut relever
quatre points majeurs :

1) Pour le n. 1378, la première forme d’adoration eucharistique en tant
qu’expression de la foi en la présence réelle est dans la messe elle-même et
par les gestes liturgiques eux-mêmes.

1378 Le culte de l’Eucharistie. Dans la liturgie de la messe, nous exprimons
notre foi en la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin,
entre autres, en fléchissant les genoux, ou en nous inclinant profondément en
signe d’adoration du Seigneur. « L’Eglise catholique a rendu et continue de
rendre ce culte d’adoration qui est dû au sacrement de l’Eucharistie non
seulement durant la messe, mais aussi en dehors de sa célébration : en
conservant avec le plus grand soin les hosties consacrées, en les présentant
aux fidèles pour qu’ils les vénèrent avec solennité, en les portant en
procession » (MF 56).
On doit donc valoriser la dimension d’adoration des gestes liturgiques.
L’adoration eucharistique s’exprime par l’attitude dans la liturgie :
l’attention à l’action liturgique, le silence intérieur, la communion à la
prière eucharistique, tous ces éléments et d’autres
sont essentiels pour goûter la célébration de l’Eucharistie.
La citation de l’encyclique Mysterium fidei de Paul VI présente alors le culte
eucharistique comme une extension dévotionnelle de la célébration, ce que
souligne à sa manière le Pape Jean Paul II : « La présence du Christ sous les
saintes espèces conservées après
la Messe – présence qui dure tant que subsistent les espèces du pain et du vin
– découle de la célébration du Sacrifice et tend à la communion sacramentelle
et spirituelle » .

Ceci constitue un critère de discernement invitant à ne pas proposer cette
pratique à ceux qui, n’ayant pas encore participé à la table eucharistique,
(jeunes enfants ou catéchumènes), ne peuvent percevoir dans toute sa plénitude
ce mouvement qui va de la célébration à l’adoration en passant par la communion
sacramentelle. En effet, pour que la pratique de l’adoration eucharistique
demeure en lien étroit avec le mémorial d’action de grâces, les fidèles doivent
percevoir de manière claire la précédence du don fait par Jésus de sa propre vie
à laquelle répond la démarche d’adoration. Par ailleurs, ce culte prend des
formes diverses, non seulement l’adoration, mais aussi les processions
eucharistiques. Ceci invite à cultiver une diversité de pratiques et à bien
assurer le lien de ces pratiques à la célébration. Sur ce point notamment, il
est décisif de valoriser le lien entre l’adoration et l’autel comme lieu du
mémorial eucharistique. De même, il convient de ne pas laisser s’effacer le
lien entre le culte eucharistique et le ministère ordonné, puisque « dans
l'économie du salut voulue par le Christ, le ministère des prêtres qui ont reçu
le sacrement de l'Ordre manifeste que l'Eucharistie qu'ils célèbrent est un don
qui dépasse radicalement le pouvoir de l'assemblée et qui demeure en toute
hypothèse irremplaçable pour relier validement la consécration eucharistique au
sacrifice de la Croix et à la dernière Cène » .

2) Le n. 1379 apparaît comme une sorte de prise de distance à l’égard de la
notion même de culte en insistant sur le motif qui a conduit l’Eglise à
conserver les espèces consacrées, en l’occurrence, la communion aux malades et
aux absents.

1379 La sainte réserve (tabernacle) était d'abord destinée à garder dignement
l'Eucharistie pour qu'elle puisse être portée aux malades et aux absents en
dehors de la messe. Par l'approfondissement de la foi en la présence réelle du
Christ dans son Eucharistie, l'Eglise a pris conscience du sens de l'adoration
silencieuse du Seigneur présent sous les espèces eucharistiques. C'est pour
cela que le tabernacle doit être placé à un endroit particulièrement digne de
l'église; il doit être construit de telle façon qu'il souligne et manifeste la
vérité de la présence réelle du Christ dans le saint sacrement.

Ceci induit le rapport essentiel entre ce culte et la dimension communautaire
mais aussi celle du service et de la charité envers les pauvres. On sait
combien cet aspect fut souvent au coeur des confréries du Saint-Sacrement ou
des mouvements de charité du XIXe comme par exemple dans les conférences Saint
Vincent de Paul fondées par Frédéric Ozanam. Ce critère du lien entre adoration
et charité est un critère permanent.

3) Le n. 1380 justifie le culte eucharistique à partir de l’offrande même du
Christ pour les siens ce qui est une manière de situer l’adoration
eucharistique comme réponse au don d’une présence et non comme un vis-à-vis
spéculaire qui pourrait prendre une forme subtile d’idolâtrie d’autant plus
délicate à mettre à jour qu’elle a toutes les apparences de la piété.

1380 Il est hautement convenable que le Christ ait voulu rester présent à son
Eglise de cette façon unique. Puisque le Christ allait quitter les siens sous
sa forme visible, il voulait nous donner sa présence sacramentelle ; puisqu'il
allait s'offrir sur la Croix pour nous sauver, il voulait que nous ayons le
mémorial de l'amour dont il nous a aimés "jusqu'à la fin" (Jn 13,1), jusqu'au
don de sa vie. En effet, dans sa présence eucharistique il reste
mystérieusement au milieu de nous comme celui qui nous a aimés et qui s'est
livré pour nous (cf. Ga 2,20), et il le reste sous les signes qui expriment et
communiquent cet amour : L'Eglise et le monde ont un grand besoin du culte
eucharistique. Jésus nous attend dans ce sacrement de l'amour. Ne refusons pas
le temps pour aller Le rencontrer dans l'adoration, dans la contemplation
pleine de foi et ouverte à réparer les fautes graves et les délits du monde.
Que ne cesse jamais notre adoration ! (Jean Paul II, Lettre Dominicæ cenæ 3).

On notera que la citation de la Lettre Dominicae Cenae, « Jésus nous attend dans
ce sacrement de l'amour. Ne refusons pas le temps pour aller Le rencontrer dans
l'adoration » comporte le verbe « attendre » appliqué à Jésus et « rencontrer »
appliqué cette fois au fidèle. Contre toute conception statique de l’adoration,
ce jeu de langage inscrit une dynamique dont on pourrait manifester les
profonds enracinements évangéliques. Il est possible d’en tirer un critère de
discernement fondamental pour aujourd'hui : alors que nous sommes dans un monde
où l’attrait pour l’adoration eucharistique a peut-être son corollaire dans
l’extrême sensibilité à la question du mal et à l’absence de Dieu qu’elle
semble impliquer, il convient de valoriser que dans l’adoration, il s’agit
d’abord de nous rendre présents. Autrement dit l’adoration eucharistique est
une convocation.

4) Le n. 1381 en s’appuyant sur saint Thomas d’Aquin cité par le Pape Paul VI,
manifeste le lien intrinsèque entre le discernement de la présence réelle et
l’acte de foi.
1381 "La présence du véritable Corps du Christ et du véritable Sang du Christ
dans ce sacrement, 'on ne l'apprend point par les sens, dit saint Thomas, mais
par la foi seule, laquelle s'appuie sur l'autorité de Dieu'. C'est pourquoi,
commentant le texte de Lc 22,19 : 'Ceci est mon Corps qui sera livré pour
vous', saint Cyrille déclare: 'Ne va pas te demander si c'est vrai, mais
accueille plutôt avec foi les paroles du Seigneur, parce que lui, qui est la
Vérité, ne ment pas'" (Thomas d'A., IIIa, 75,1 cité par Paul VI, MF 18) :
Adoro te devote, latens Deitas, Quæ sub his figuris vere latitas: Tibi se cor
meum totum subjicit, Quia te contemplans totum deficit.
Visus, gustus, tactus in te fallitur, Sed auditu solo tuto creditur: Credo
quidquid dixit Dei Filius: Nil hoc Veritatis verbo verius.
On peut souligner que la référence à saint Thomas n’est pas sans signification :
comme l’a montré le P. Gy, la théologie thomiste est un effort théologique de
grande intensité et de grande portée métaphysique pour sortir d’une conception
dite parfois « réaliste » et qu’on peut qualifier de « matérialiste » de la
présence réelle . Ce lien entre l’acte de foi et la reconnaissance de la
présence réelle est de plus inséparable de la foi en la résurrection qui est la
pierre de touche de tout l’édifice comme le souligne le Pape Jean Paul II dans
Ecclesia de Eucharistia. En effet, la notion de « présence réelle » est liée
fondamentalement au mystère de la résurrection parce que « c’est en tant que
vivant et ressuscité que le Christ peut, dans l’Eucharistie, se faire “pain de
la vie” (Jn 6,35.48), “pain vivant” (Jn 6,51) » .
Il convient d’insister sur cet aspect qui constitue l’une des grandes
redécouvertes théologiques du XXe siècle . Car à travers cet enseignement, le
Pape permet à la théologie de la présence réelle, réaffirmée par Paul VI dans
Mysterium fidei , de se déployer dans son véritable lieu. La conversion
eucharistique dont le Concile de Trente affirme que la théologie de la
transsubstantiation traduit justement et exactement la portée , est inséparable
d’une vision unitaire du mystère pascal. Comme l’a souligné Bernard Sesboüé, «
Pâques est déjà mystère de parousie et l’eucharistie est sacrement de la
parousie, c'est-à-dire la parousie sacramentellement anticipée.
L’intelligibilité dernière de l’eucharistie vient de la fin. Cela a une
conséquence sur l’explication de la présence réelle, qui ne doit pas être
comprise comme un changement d’éléments situé dans la continuité de notre
espace-temps, mais comme « une présence qui vient de loin, qui vient de la fin
où le Christ a sa demeure permanente, d’où il rejoint l’Eglise terrestre » .
Dans un monde de la présence virtuelle généralisée, la question des
représentations de la présence – comment Jésus est-il dans le Saint-Sacrement ?
– n’est pas une question facile. Sur ce point, il convient de valoriser le lien
étroit établi par le Catéchisme au n.
1358 entre la présence du Christ dans l’Eucharistie d’une part et « la puissance
de sa Parole et de son Esprit » d’autre part. La perception de la nécessaire
dimension de foi dans la démarche de l’adoration eucharistique est étroitement
liée à une théologie conséquente de la présence du Christ dans sa Parole
conformément à SC 7, et à une pneumatologie conséquente. Car si le Christ se
rend présent à nous, c’est, depuis l’Ascension, toujours par son Esprit.
Le n. 1381 du Catéchisme, en appuyant sa démonstration sur une hymne liturgique
(le chant Adoro te devote) rappelle à sa manière, que la qualité des textes lus
ou chantés durant les temps d’adoration, mais aussi la place de la Parole de
Dieu dans cette démarche, constitue des lieux spécifiques où doit s’exercer une
véritable vigilance en ce domaine.
La suite du texte du Catéchisme revient à la messe elle-même en tant que banquet
pascal. On voit combien la considération de la présence réelle et le culte qui
s’y rattache est toujours liée étroitement à la célébration elle-même. Le culte
de la présence réel sera
donc d’autant plus fondé qu’il sera correctement situé dans l’ensemble de la vie
liturgique.

5.- Des repères pratiques
Parce que l’adoration eucharistique est une pratique à laquelle l’Eglise invite
les catholiques et parce qu’elle touche au sens du mystère eucharistique auquel
l’Eglise catholique attache la plus grande importance, l’Eglise a donné des
repères pour que cette pratique soit conforme à la foi. Ces repères ont fait
l’objet, dans le cadre de la réforme liturgique demandée par le Concile Vatican
II, de l’instruction Eucharisticum mysterium du 25 mai 1967 . A la suite de ce
texte, la Congrégation pour le culte divin a préparé une édition révisée du
Rituel de l’Eucharistie en dehors de la messe , un livre liturgique qui
concerne trois aspects de la vie chrétienne : la communion en dehors de la
messe (ch. 1er) ; la communion et le viatique portés au malade par un ministre
extraordinaire (ch. II) ; les différentes formes de culte à rendre à
l’Eucharistie (ch. III), ce dernier chapitre traitant de l’exposition de
l’Eucharistie, des processions et des congrès eucharistiques. Un chapitre IV
présente une série de lectures, de prières et de chants pour ces célébrations.
A propos de l’exposition de l’Eucharistie, on peut souligner que les notes
pastorales rappellent le principe fondamental suivant : « On veillera à ce que,
dans ces expositions, le culte rendu au Saint-Sacrement apparaisse clairement
dans la relation qui l’unit à la
Messe » (n. 82). C’est pourquoi, il est interdit de célébrer la Messe dans la
même nef de l’église, tant que dure l’exposition du Saint-Sacrement (n. 83).
On se bornera ici à souligner ce que le rituel prévoit durant le temps où le
Saint-Sacrement est exposé : il s’agit d’un véritable guide pour penser
l’animation d’un temps d’adoration.
« Pendant que le Saint-Sacrement demeure exposé, on organisera les prières, les
chants, les lectures de telle sorte que les fidèles, appliqués à la prière, ne
s’occupent que du Christ Seigneur.
Pour alimenter la prière profonde, on emploiera des lectures tirées de la sainte
Ecriture (cf. nn. 113-189) et accompagnées d’une homélie ou de brèves
exhortations, qui engagent à une meilleure appréciation du mystère
eucharistique. Il convient aussi que les fidèles répondent par le chant à la
parole de Dieu. Il est bon que l’on garde un silence sacré.
Devant le Saint-Sacrement longuement exposé, on peut encore célébrer une partie,
en particulier une heure principale, de la Liturgie des Heures. Celle-ci en
effet, étend aux diverses heures du jour les louanges et actions de grâce qui
sont offertes à Dieu dans la célébration de l’Eucharistie ; les supplications
de l’Eglise sont adressées au Christ et par lui au Père, au nom du monde entier
» (Rituel de l’Eucharistie en dehors de la Messe, n. 95 et 96).

6. – Trois remarques pour un discernement
Les trois remarques qui suivent entendent contribuer à soutenir le discernement
ecclésial qui sera toujours nécessaire mais qui l’est d’autant plus que nous
sommes dans un temps où beaucoup de jeunes et de moins jeunes sont peu
conscients des grands équilibres théologiques nécessaires à une vie spirituelle
authentique. On peut se souvenir en effet, que les grandes querelles du passé
sur les questions de vie spirituelle, par exemple les débats sur l’oraison au
XVIe ou sur la grâce au XVIIe siècle, nous rappellent l’importance décisive de
la relation entre théologie et vie spirituelle.

61.- Un risque d’instrumentalisation
Comme toute la liturgie, l’adoration eucharistique fait l’objet actuellement
d’un risque que l’on peut désigner par le terme d’« instrumentalisation ». Par
ce mot, on vise l’utilisation d’une pratique liturgique en vue d’un but,
éventuellement tout à fait louable, mais qui n’est pas intrinsèque à la
pratique elle-même. Le risque apparaît lorsque l’exposition du Saint-Sacrement
est destinée à créer une ambiance, à donner du poids à une manifestation ou
encore à favoriser le recueillement que l’on juge difficile à obtenir
autrement. Faut-il par exemple associer la célébration du sacrement de la
réconciliation avec l’exposition du Saint-Sacrement ou encore prévoir
systématiquement l’adoration permanente durant un grand rassemblement de jeunes
? On doit noter que ce risque concerne tout autant la célébration de
l’Eucharistie elle-même que l’on mobilise aussi bien pour enterrer - plus
solennellement ? - un homme d’Etat ou pour créer un événement à l’occasion
d’une rencontre.
Là encore, le Rituel de l’Eucharistie en dehors de la Messe est particulièrement
éclairant : « La piété qui pousse les fidèles à pratiquer l’adoration de la
sainte Eucharistie, les attire à participer plus profondément au mystère pascal
et à répondre avec reconnaissance au don du Christ qui, par son humanité, ne
cesse de répandre la vie divine dans les membres de son Corps. En s’attardant
auprès du Christ Seigneur, ils jouissent de son intime familiarité, et, devant
lui, ils épanchent leur coeur pour eux-mêmes et pour tous les leurs, ils prient
pour la paix et le salut du monde. En offrant leur vie entière au Père avec le
Christ dans le Saint Esprit, ils puisent dans cet admirable échange un
accroissement de leur foi, de leur espérance et de leur charité. Ils
entretiennent donc ainsi les bonnes dispositions qui leur permettent d’avoir
toute la dévotion voulue pour célébrer le mémorial du Seigneur et recevoir
fréquemment ce pain que le Père nous donne » (Rituel de l’Eucharistie en dehors
de la Messe, n. 80).
La visée profonde de l’adoration eucharistique est donc d’alimenter la vie
théologale par un contact étroit avec la personne du Christ Sauveur. Que cette
pratique favorise une expérience de la prière, c’est bien évident. Et c’est
sans doute ce qui fait son attrait aujourd’hui dans un temps où le combat de la
prière est rude. Mais il serait risqué de confondre le but avec des effets
seconds. De plus, dans le cas de l’adoration eucharistique, cette attitude
risque de creuser la distance entre l’adoration et la célébration qui en est la
source, au risque de favoriser des conceptions matérialistes de la présence
déliées de la dimension croyante si fortement affirmée par un Thomas d’Aquin.
Par ailleurs, pour éviter la confusion entre la célébration des sacrements et
ces pratiques de dévotion, il convient d’éviter d’associer trop étroitement,
voire d’intégrer dans une même démarche les deux aspects (par exemple un moment
d’adoration à l’intérieur de la célébration de la Messe) car chaque acte
liturgique doit être respecté dans sa dynamique propre.

62.- La manifestation d’une requête d’identité
Le renouveau de cette pratique en notre temps est lié à une hyper-sensibilité à
la présence réelle. Dans un monde où les identités religieuses sont mises à
rudes épreuves par le spectacle de la confrontation parfois violente de groupes
se réclamant d’idéaux religieux – un journal a titré récemment que l’école était
« malade de la religion » – la recherche de marqueurs d’identité est forte. La
confrontation permanente avec les autres religions valorise des marqueurs
symboliquement forts et extérieurement repérables de l’identité catholique.
Chez beaucoup de jeunes catholiques actuellement, l’Eucharistie, le Pape et la
Vierge Marie, constituent trois marqueurs d’identité. On connaît la dévotion
exprimée sous la forme des trois blancheurs. L’adoration eucharistique comme le
culte marial et l’attachement à la personne du Saint-Père participent de cette
volonté d’assurer et de manifester l’appartenance catholique. Pour que le culte
du Saint-Sacrement garde toute sa force, il convient donc de réfléchir à la
manière dont nos liturgies permettent de construire ces appartenances au Corps
de l’Eglise.

63.- Pour une attitude oecuménique
L’adoration eucharistique fut dans le passé surtout le signe des différences
confessionnelles entre les chrétiens. Il est important de ne pas l’oublier pour
être conforme à l’engagement oecuménique réaffirmé solennellement par le Pape
Jean Paul II dans l’encyclique Ut unum sint. On doit rappeler que cette
pratique, contestée par les réformateurs du XVIe siècle, n’appartient pas à la
pratique et à la sensibilité des églises orthodoxes.
Il ne faudrait pas voir dans l’attrait exercé par cette forme de dévotion sur
beaucoup de catholiques et notamment les plus jeunes, la marque d’une attitude
anti-oecuménique.
Mais précisément, parce que dans le monde actuel, les identités sont fragiles,
il convient de veiller à ce que les pratiques liturgiques et dévotionnelles ne
deviennent pas séparatrices, que les identités se construisent positivement et
non négativement. C’est à cette mesure que l’adoration eucharistique gardera sa
nature d’extension dévotionnelle de la célébration permettant d’approfondir la
réponse au don que Jésus a fait de sa vie sur la croix.
Sur ce point, il est certainement très important aujourd'hui de donner aux
nouvelles générations une formation liturgique solide permettant de saisir le
caractère historique des pratiques. Sans tomber dans le relativisme, il est
essentiel de prendre conscience qu’à chaque moment de son histoire, l’Eglise
sait puiser dans son trésor les vivres dont le peuple chrétien a besoin. Ceci
évite toute absolutisation de telle ou telle pratique.
Comme l’exprimait Mgr Jacques Perrier, évêque de Lourdes : « Nos contemporains
ont besoin de silence mais, simultanément, ils en ont peur. Il faut que leur
silence soit "meublé". Les musiques de fond sont le degré zéro de cette
occupation de l'esprit qui confine au lavage de cerveau. Par le signe
sacramentel de l'eucharistie, le silence n'est pas meublé. Il est habité par
une présence dont le signe matériel ne risque pas d'être pris pour la réalité
elle-même. Nous n'adorons pas un morceau de pain, fût-il aujourd'hui un peu
plus épais et un peu plus doré qu'autrefois.
L'adoration eucharistique des catholiques occidentaux ne peut-elle pas être
rapprochée de la vénération des icônes en Orient et de la Bible ouverte dans
les temples protestants ? »

Conclusion
L'adoration eucharistique est née au Moyen-Age en réponse à un ardent désir
manifesté dans le peuple chrétien, d'un contact prolongé et aimant avec la
présence du Seigneur dans le sacrement de son corps et de son sang. Au cours du
temps, l'Eglise a éprouvé la nécessité de réguler cette pratique comme en
témoigne le Rituel de l'eucharistie en dehors de la messe dont nous avons vu la
profondeur et l’intérêt.
La vigilance de l'Eglise sur cette pratique dévotionnelle tient à l'importance
du mystère auquel elle se réfère. En effet, c'est parce que l'adoration
eucharistique renvoie à la célébration et donc au mystère de l'Eucharistie, que
l'Eglise attache une grande importance à une forme de dévotion dont le Pape Jean
Paul II a rappelé la signification dans plusieurs documents récents.
L'intelligence de cette forme de culte implique notamment de relier sans jamais
les séparer ni les confondre, trois aspects majeurs :
- l'adoration eucharistique est une extension dévotionnelle de la célébration
qui est la forme première et fondamentale du culte que l'Eglise rend à son
Seigneur ;
- l'adoration eucharistique est une manière d'accueillir le don de la présence
du ressuscité - cf. Mt 28,20 : « Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin
du monde » -, présence du ressuscité qui dépasse la seule présence sous le mode
eucharistique (cf. Constitution sur la liturgie, n. 7) ;
- l'adoration eucharistique s'inscrit dans la dynamique de l'échange sacramentel
où le don de grâce appelle la réponse croyante qui comprend notamment une
dimension éthique comme l'ont bien compris dans le passé les congrégations du
Saint-Sacrement (XVIIe siècle) ou plus récemment des apôtres de la charité
comme Frédéric Ozanam, Charles de Foucauld ou Mère Térésa. Dans un temps de
crise de la transmission et où les habitudes religieuses sont fragilisées, il
est essentiel de donner des repères qui soutiennent cette expression de la foi
qui est en même temps l’une des réponses possibles à la soif spirituelle qui
habite notre temps.

F. Patrick Prétot, osb, Institut Supérieur de Liturgie - Institut Catholique de
Paris

NOTES :
Cf. Mgr J. PERRIER, « L'adoration eucharistique : archaïsme ou actualité ? »,
Lourdes Magazine n. 92, juin 2000 ; ce texte repris sur le site Zenit.org le 21
juin 2000 constituait la base de réflexion d’un colloque sur l'adoration
eucharistique dont les actes ont été publiés dans LMD 225, 2001.
JEAN PAUL II, Lette encyclique Ecclesia de Eucharistia, L'Église vit de
l'eucharistie, Paris, Bayard /
Fleurus-Mame / Cerf, 2003.
PAUL VI, Encyclique Mysterium fidei, Paris, Centurion, 1965.
Cf. EdE n. 10 où le Pape dresse le tableau des lumières et des ombres de la
pratique eucharistique (« Malheureusement, à côté de ces lumières, les ombres
ne manquent pas. Il y a en effet des lieux où l'on note un abandon presque
complet du culte de l'adoration eucharistique »).
Cf. Conc. oecum. de Trente, Sess. XIII, Décret sur la très sainte Eucharistie,
can. 4: DS 1654; La Foi catholique, n. 748.
Cf. Rituale Romanum, De sacra communione et de cultu mysterii eucharistici
extra Missam, p. 36 (n. 80); Rituel de l'Eucharistie en dehors de la Messe, 2e
éd., AELF 1996, p. 67 (n. 80).
Cf. ibid, pp. 38-39 (n. 86-90); Rituel de l'Eucharistie en dehors de la Messe,
pp. 69-70 (n. 86-90).
Jean Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte, n. 32: AAS 93 (2001), pp.
288; La Documentation catholique 98 (2001), p. 79.
« Qu'au cours de la journée 1es fidèles ne négligent point de rendre visite
au Saint-Sacrement, qui doit être conservé en un endroit très digne des
églises, avec le plus d'honneur possible, selon les lois liturgiques. Car la
visite est une marque de gratitude, un geste d'amour et un devoir de
reconnaissance envers le Christ Notre-Seigneur présent en ce lieu » : Paul VI,
Encycl. Mysterium
fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), p. 771; La Documentation catholique 62
(1965), col. 1647-1648.
Cf. S. AUGUSTIN, De genesi ad litteram., XI, 15, 20; PL 34, 437.
On entend parfois la phrase choc : « Jésus a dit "prenez et mangez", il n’a
pas dit "prenez et adorez" » ; ce type de référence aux Ecritures, qui s’appuie
sur des silences, est certainement insuffisant pour être vraiment pertinent : on
pourrait faire dire au Christ beaucoup de choses par ce genre de procédé.
VATICAN II, Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium, dans
Le Concile Vatican II,
Edition intégrale définitive, préf. G. ALBERIGO, trad. R. WINLING, Paris, Cerf,
Coll. « Le magistère de
l’Eglise », 2003, p. 16-17.
Ibid., chapitre II : Le saint mystère de l’Eucharistie, n. 47 à 58, p. 29-33 ;
n. 48, p. 29.
Cf. par exemple, La vie eucharistique de l’Eglise, Cours et conférences des
Semaines Liturgiques, t. XII, Liège, 1934, Louvain, Abbaye du Mont-César, 1935,
notamment Dom B. CAPELLE, « La hiérarchie des actes eucharistiques », p. 42 et
E. DUMOUTET, « Le culte de la sainte réserve et son développement », p. 86-88
qui se fait l’écho de la tension tout en essayant de penser un lien possible
entre liturgie et adoration.
Catéchisme de l'Église catholique, n. 1085.
JEAN PAUL II, Lette encyclique Ecclesia de Eucharistia, L'Église vit de
l'eucharistie, n. 11.
Cf. Conc. oecum. de Trente, Sess. XIII, Décret sur la très sainte Eucharistie,
can. 4: DS 1654; La
Foi catholique, n. 748.
Cf. Rituel de l'Eucharistie en dehors de la Messe, 2e éd., AELF 1996, n. 80,
p. 67.
19 Cf. JEAN PAUL II, Lette encyclique Ecclesia de Eucharistia, L'Église vit de
l'eucharistie, n. 25.
Ibid., n. 29.
Cf. P.-M. GY, « L’office du Corpus Christi, oeuvre de S. Thomas d’Aquin », RSPT
69, 1985, 314-347, repris dans P.-M. GY, La liturgie dans l’histoire, Paris,
Cerf/Saint6paul, 1990, 223-243 qui met en évidence la résistance de saint
Thomas à l’égard de la théologie de la présence eucharistique, largement reçue
depuis le XIIe siècle, exprimée en termes de presentia corporalis (cf. ibid.,
p. 240-242) : « cette notion gêne saint Thomas parce qu’elle lui paraît liée à
une localisation » (ibid., p. 242).
Jean Paul II, n. 14.
Cf. J.-M. R. TILLARD, L’eucharistie, pâque de l’Eglise, Paris, Cerf, coll. «
Unam Sanctam », 44, 1964; F.-X. DURRWELL, L’eucharistie, présence du Christ,
Paris, Ed. Ouvrières, 1971; L’Eucharistie, sacrement pascal, Paris, Cerf, 1980;
G. MARTELET, Résurrection, eucharistie et genèse de l’homme, Paris, Desclée,
1972; R. JOHANNY, L’eucharistie, chemin de résurrection, Paris, Desclée, 1974.
PAUL VI, Mysterium fidei, n. 46-55, La Documentation catholique 62, 1965, col.
1633-1651.
CONCILE DE TRENTE, “Décret sur la très sainte Eucharistie”, ch. 4 et canon 2,
dans DENZINGER, Symboles et définitions de la foi catholique, sous la dir. de
P. HÜNERMANN et J. HOFFMANN, Paris, Cerf, 1997, n. 1642, p. 440 et Canon 2, n.
1652, p. 443-444.
B. SESBOÜE, « Eucharistie : deux générations de travaux », Etudes 355/7,
juillet 1981, p. 109, qui cite F.-X. DURRWELL, L’eucharistie sacrement pascal,
op. cit., p. 50.
SACREE CONGREGATION DES RITES, Instruction Eucharisticum mysterium du 25 mai
1967, AAS 59,
1967, 539-573 ; DC 64, 1967, 1091-1122 ; cf. J.M. R. TILLARD, LMD 91, 1967,
45-63.
Rituel de l’Eucharistie en dehors de la Messe, publié à Rome le 21 juin 1973
(Ordo de sacra communione et de cultu eucharistici extra missam), et dont une
1e version française, approuvée le 5 janvier 1978, a été publiée en 1983 et une
seconde le 26 mai 1996, Desclée-Mame 1996 (avec les modifications dues au Code
de 1983).
Cf. Mgr J. PERRIER, « L'adoration eucharistique : archaïsme ou actualité ? »,
Lourdes Magazine n. 92, juin 2000..
Cf. l'analyse des évêques de France dans la Lettre aux Catholiques de France
de 1996.


Voir aussi ; Cf. Mgr J. PERRIER, « L'adoration eucharistique : archaïsme ou
actualité ? », Lourdes Magazine n. 92, juin 2000 ; ce texte repris sur le site
Zenit.org le 21 juin 2000 constituait la base de réflexion d’un colloque sur
l'adoration eucharistique dont les actes ont été publiés dans LMD 225, 2001.

FRANCE/LOURDES/EUCHARISTIE: "NE NOUS NE PRIVONS PAS"
Réflexions de Mgr Perrier sur l'adoration eucharistique

ROME, mercredi 21 juin 2000 (ZENIT.org) - "L'adoration eucharistique : archaïsme
ou actualité ? ", c'est la question que pose d'emblée Mgr Jacques Perrier,
évêque de Tarbes et Lourdes et président du Comité français pour le Jubilé,
dans une réflexion sur l'adoration eucharistique publiée dans le numéro 92
(juin 2000) de "Lourdes Magazine".

Colloque à Lourdes
En effet, Lourdes organise, aujourd'hui 21 et demain 22 juin un Colloque sur ce
thème, qui correspond aussi à l'actualité romaine du Congrès eucharistique
international, accompagné de l'adoration perpétuelle dans les basiliques et de
nombreuses églises romaines. Samedi soir, 24 juin, les jeunes prépareront les
JMJ par une nuit d'adoration à Saint-Jean-du-Latran. Mgr Perrier analyse les
raisons du renouveau de l'adoration eucharistique et rapproche cette tradition
occidentale de la vénération des icônes en Orient ou de la Parole de Dieu dans
la tradition protestante. Nous reprenons le texte publié par Lourdes Magazine.
Les intertitres sont de la rédaction.

"L'adoration eucharistique : archaïsme ou actualité ?"


Engouement pour l'adoration eucharistique
"Il serait hypocrite de prétendre n'avoir aucune idée sur les raisons de cet
engouement (relatif !) pour l'adoration eucharistique. Certains chercheront ces
raisons dans le passé. Je préfère les chercher dans l'aujourd'hui : j'en vois
plusieurs. Une des fonctions du colloque sera de les critiquer, de les
illustrer, de les compléter.

La primauté de l'eucharistie est une sorte d'exclusivité
L'adoration eucharistique est un fruit du primat donné à la célébration
eucharistique. Les liturgistes déplorent le fait que, non seulement pour
l'opinion qui appelle "messe" tout office religieux, mais pour les catholiques
fervents, l'eucharistie soit devenue la seule forme de prière commune. La
primauté de l'eucharistie est une sorte d'exclusivité. Espérons que cette
manière de faire sera nuancée, sans que l'eucharistie en soit dévaluée. Mais si
nous prenons en compte les évolutions "longue durée", l'eucharistie occupe
aujourd'hui encore, pour le plus grand nombre, presque tout le champ :
l'adoration, en prolongement de la célébration, en est une suite. Cela n'est
pas scandaleux même si nous souhaitons que les chrétiens découvrent et
pratiquent d'autres formes de prière commune, comme la liturgie des heures.

Le silence n'est pas individualiste
Il est beaucoup reproché à nos célébrations d'être trop bavardes, cette remarque
ne visant pas seulement les sermons. Les pauses de silence sont brèves : il est
difficile de "s'y mettre". A peine entrés, nous sommes déjà sortis. Les
liturgistes rappellent d'ailleurs que les célébrations ne doivent pas être
interrompues. La liturgie est une action qui va son chemin. Mais le besoin de
silence existe. Et le silence n'est pas individualiste : les retraites en
silence tissent des liens très forts.

Adoration eucharistique, vénération des icônes et de la Bible
La troisième remarque s'enchaîne à la précédente. Nos contemporains ont besoin
de silence mais, simultanément, ils en ont peur. Il faut que leur silence soit
"meublé". Les musiques de fond sont le degré zéro de cette occupation de
l'esprit qui confine au lavage de cerveau. Par le signe sacramentel de
l'eucharistie, le silence n'est pas meublé. Il est habité par une présence dont
le signe matériel ne risque pas d'être pris pour la réalité elle-même. Nous
n'adorons pas un morceau de pain, fût-il aujourd'hui un peu plus épais et un
peu plus doré qu'autrefois. L'adoration eucharistique des catholiques
occidentaux ne peut-elle pas être rapprochée de la vénération des icônes en
Orient et de la bible ouverte dans les temples protestants ?

Le voyage vers l'intérieur
L'adoration eucharistique me semble aujourd'hui opportune pour caractériser la
spiritualité proprement chrétienne. La prière chrétienne est sous le signe du
dialogue, du face-à-face, de l'alliance. L'union n'est pas l'anéantissement du
croyant. Le voyage vers l'intérieur n'est pas la recherche des énergies
spirituelles qu'il suffirait de libérer. Or nous savons la séduction de ces
méthodes d'intériorité, plus psychologiques que proprement religieuses.

L'adoration et les jeunes
L'adoration eucharistique n'est pas la panacée. Elle comporte sûrement ses
dangers, du moins ses limites. Mais elle est une piste praticable, en
particulier par les jeunes et tant de gens qui disent "ne pas savoir prier". Ne
nous en privons pas. Ne les en privons pas."
ZF00062106

De même le n° 329 de la Revue Célébrer sur l’adoration eucharistique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est au service de ceux qui cherchent entrer plus avant dans l'intelligence de la liturgie

On y trouve quelques causeries faites ici ou là ainsi que des textes, des références...
Il est tout à fait irrégulier dans ses contributions.
On peut chercher et trouver d'excellentes contribution sur le portail du Service National de Pastorale Liturgique et Sacramentelle : http://www.liturgiecatholique.fr/ ou bien sur les liens de ce blog ; liens variés...

Abbé Pierre Deprecq

Toute question de LITURGIE a sa réponse...

Quel est le sens de la liturgie? de la bénédiction? de l'encensement? des sacrements? Que signifient les gestes du prêtre ? ...
Toute question de LITURGIE a sa réponse...
Ce blog donne un écho de quelques questions et réponses à reçues et données à partir du site du diocèse de Bordeaux : http://catholique-bordeaux.cef.fr/
à la rubrique "UN PRÊTRE VOUS REPOND"