jeudi 26 juillet 2012

L’EGLISE, MAISON DU PEUPLE DE DIEU,
Réforme liturgique et architecture
CNPL JUIN 1968

La construction d'une église
Après des siècles de continuité ou de relative stabilité, la conception traditionnelle du lieu de culte, en Occident, fait l'objet de transformations importantes. Celles-ci sont dues à l'évolution de l'architecture contemporaine et aux changements de la vie sociale, mais d'abord au renouvellement suscité dans l'Eglise Catholique Romaine par le deuxième Concile du Vatican, et spécialement à la rénovation de sa liturgie. Depuis le Concile, un certain nombre de règlements nouveaux ont été promulgués qui manifestent l'ampleur de la réforme en cours.
Il a semblé utile de rassembler l'essentiel des données concernant, pour notre pays, à l'époque actuelle, la conception et les fonctions liturgiques dont dépend tout programme d'Eglise. Ces données émanent des sources suivantes: le Concile, le Conseil romain chargé de la réforme .liturgique, l'Episcopat français, les organismes nationaux ou diocésains chargés de la Pastorale liturgique et de l'art sacré. Comme ces documents sont entre les mains de tous, on réduira au minimum les citations et les références.

Ce document contient l'essentiel des normes liturgiques (en vigueur à la date de juin 1968') valables pour une église paroissiale. Il faudra raisonner par analogie quand il s'agit de cas particuliers, chapelles de communautés relais, chapelles conventuelles, églises de pèlerinage, etc. On trouvera ici ce qui concerne les éléments liturgiques.

Le programme d'une église doit inclure les données fournies par
l'étude sociologique des communautés locales, leur culture humaine et religieuse, etc. Nous devons tout autant tenir compte des impératifs de l'implantation, des problèmes posés par la mobilité, l'anonymat, l'urbanisation de la vie moderne, comme aussi du fait qu'il n'y a plus de structure sacrale de la cité. L'Eglise en tient compte dans la manière d'organiser son mode de présence au monde. Elle doit aussi en tirer les conséquences pratiques dans sa manière de concevoir l'édifice et le cadre de l'assemblée chrétienne. Ces dernières données, relevant d'autres disciplines, ne sont pas étudiées dans ces pages. Mais il est évident qu'on ne peut en faire abstraction dès qu'il s'agit de construire aujourd'hui.

Ce document enfin ne suffira jamais à l'architecte pour la réalisation d'une église. Un dialogue exigeant devra être établi et maintenu pendant la préparation et la réalisation du travail, non seulement entre l'architecte et la communauté locale (le curé et quelques vrais représentants de cette communauté), mais encore avec celui qui possède la compétence et la sensibilisation liturgique, avec les responsables du budget de l'église, le comité diocésain de construction d'églises (mais en évitant soigneusement que l'argent soit le maître prépondérant qui emporte toutes les décisions), et avec les hommes plus spécialement qualifiés en art sacré, qui seront les nécessaires éléments de compréhension mutuelle: la commission diocésaine d'art sacré.

Ce qui importe donc, c'est que les différentes personnes responsables de la construction d'une église consentent à une effective et loyale collaboration, chacun restant au niveau de sa compétence et de ses responsabilités.

BUTS OU FONCTIONS A REMPLIR PAR L'EGLISE
Avant d'étudier les fonctions qui définissent l'église comme lieu de culte, il est nécessaire de voir que la vie liturgique ne peut être correctement saisie que dans sa relation à d'autres exigences qui varient selon leurs lois propres et leur propre évolution historique: celles de la communauté chrétienne, de l'église dans la cité et de la composition architecturale.

VIE LITURGIQUE
La finalité première d'une église est de rassembler le peuple chrétien pour qu'il y célèbre sa liturgie. La célébration liturgique constitue donc, pour l'architecte comme pour le pasteur, l'impératif déterminant auquel tous les autres sont ordonnés.
Pour leurs principes, les diverses fonctions liturgiques sont réglées par l'Eglise de manière précise et sont valables pour toutes les assemblées, ce qui fournit une base objective d'analyse pour établir le programme « liturgique » d'une église.
Cependant, les rites qui règlent la célébration évoluent. Ils ont fait l'objet, au cours de l'histoire, de développements ou d'atrophies, de décadences et de réformes. Ceci explique nombre de variations qui sont intervenues à diverses époques dans la conception architecturale de l'église. Ceci explique, en particulier, comment l'importante i réforme actuelle appelle, sur beaucoup de points, des solutions nouvelles.
Quelques exemples peuvent illustrer ces variations. La célébration de l'eucharistie a toujours requis un autel. Mais au début, il s'agissait d'une simple table mobile. Dans les plus anciennes églises ou basiliques, l'emplacement de l~autel n'apparaît ni déterminé, ni déterminant pour l'architecture. Peu à peu, l'autel a pris de plus en plus d'importance, jusqu'à devenir une construction monumentale et le foyer de l'espace architectural. Mais cette évolution se fit au détriment d'autres fonctions de la liturgie. La restauration actuelle de ces autres fonctions, parole, présidence, etc., exclut que l'autel soit le centre unique et permanent de l'espace liturgique, et appelle des réalisations différentes. A partir du Moyen-Âge, la séparation dans l'assemblée entre le clergé d'une part, acteur des rites, et le peuple d'autre part, spectateur et auditeur, s'est marquée dans les églises par une dislocation de l'espace et par la multiplication des séparations matérielles (cancels, jubés, murs de chœur, grilles, etc.).
Aujourd'hui, le principe d'unité de l'assemblée célébrante en vue de la participation active de chacun exige au contraire le maximum de communication entre tous. Depuis longtemps, la fonction « parole» de la liturgie ne concernait plus directement l'assemblée: chaque ministre pouvait dire ou chanter ses textes en latin sans se faire entendre ni comprendre. Le seul moment de parole directe était le sermon, pour lequel une chaire fut installée au meilleur endroit de la nef. Aujourd'hui, toute parole de la liturgie doit pouvoir être entendue et comprise, et l'homélie est partie intégrante de la liturgie. Les divers lieux de la parole doivent donc être conçus de manière cohérente et efficace. Des réflexions analogues pourraient être faites sur le lieu de la réserve eucharistique (tabernacle), sur la multiplication des autels, des chapelles annexes, des statues et lieux de dévotion, sur la place et le rôle de la chorale, du baptistère, etc.

Ces brèves mentions suffisent à faire comprendre que le programme d'une église ne saurait être conçu en dépendance de solutions historiques justifiées par des états antérieurs de la liturgie. Dans une tradition vivante, il doit s'inspirer de l'état actuel des rites et de la célébration telle qu'elle s'accomplit aujourd'hui.

LA COMMUNAUTE CHRETIENNE
La réforme liturgique met bien en lumière cette vérité naguère pratiquement oubliée que ce ne sont pas seulement les clercs, c'est l'assemblée entière qui célèbre la liturgie. Cette assemblée forme une Eglise locale, une communauté chrétienne.
L'église bâtiment est essentiellement la maison de l'Eglise locale. C'est ce groupe humain de croyants qui doit inspirer, modeler, façonner son église. Le lieu de culte doit être à l'image des hommes qui l'habitent et il doit être comme la projection spatiale des actions qu'ils y accomplissent.
La communauté chrétienne, qui présente son visage le plus typique dans la célébration liturgique, ne se limite pas à cette activité cultuelle. Elle s'exprime aussi dans d'autres activités, rencontres, services qui lui sont propres. Elle a un clergé desservant, des catéchismes, des réunions diverses, des œuvres, etc. Pour tout cela, il faut des lieux. Ces lieux - presbytère, salles de catéchisme, locaux d'œuvres, etc. - peuvent faire corps avec l'église ou en être séparés. Sans doute, dans une société où le visage de l'Eglise est moins apparent, y a-t-il risque à couper la vie liturgique des activités missionnaires, catéchétiques et caritatives. Risque pour ceux du dedans, qui peuvent s'isoler dans un de ces secteurs et ne pas participer à toute la vie de la communauté. Risque pour ceux du dehors, qui, ne voyant qu'un aspect de la vie des chrétiens, en ont une image faussée. Mais la nécessaire cohésion qui doit exister et s'exprimer visiblement entre la prière liturgique et les autres activités de la communauté chrétienne n'appelle pas, de soi, le regroupement dans un unique et même lieu. Il faut se garder de trancher catégoriquement en faveur du regroupement ou de l'éclatement. L'option est à prendre en fonction des données concrètes de chaque cas particulier.
Quelles que soient les solutions adoptées, les chrétiens doivent pou- voir se trouver comme chez eux dans leur église.
a) Ce sont des hommes de la deuxième moitié du XX° siècle qui connaissent souvent dans leur mode d'habitat et dans leurs relations de groupes un style de vie nouveau.
L'homme n'aspire pas à se mouler dans son habitat comme un mollusque dans la coquille qui le protège, mais à le façonner à l'image de sa vie plurifonctionnelle, à l'adapter et le changer selon ses besoins. D'autre part, les relations d'aujourd'hui ne sont plus seulement celles du cercle familial ou du voisinage, elles sont davantage commandées par les intérêts, le travail, les loisirs et les voyages. L'assemblée liturgique et son lieu seront nécessairement influencés de manière profonde par ce type nouveau de vie humaine et sociale. On ne s'étonnera pas que les hommes d'aujourd'hui se sentent mal à l'aise dans des églises démesurément grandes, mal éclairées, mal chauffées, mal sonorisées, dans un cadre par trop étranger à leur mode de vie. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut rechercher un style identique à celui du living-room ou du cinéma. Chaque action humaine réclame un lieu adapté à cette action.
b) Ce sont des croyants appartenant à l'Eglise d'après Vatican II. Leur communauté est par nature une communauté de foi. Mais alors que cette foi a pu consister souvent en une appartenance sociologique et une pratique religieuse, elle prend un visage de plus en plus personnel. Le groupe en devient plus divers dans ses membres, ce qui exige en même temps de lui plus de cohésion et de vraie fraternité.
c) Enfin, immergée dans un monde athée, cette communauté ne peut vivre repliée sur elle-même sans se renier.
Elle doit être ouverte sur le monde, en même temps que pénétrable au monde, afin d'être entièrement missionnaire. Il en découle, pour l'esprit de son rassemblement et pour le lieu qui l'abrite, toute une série de conséquences, qui interfèrent d'ailleurs avec les données de la fonction suivante.

L'EGLISE DANS LA CITE
Au cours des siècles, les églises ont reflété la manière dont l'Eglise s'insérait dans la société. Durant les premiers siècles, en milieu païen, les petites communautés urbaines se réunissent dans des maisons d'Eglise, que l'on aménage intérieurement pour les besoins du groupe et du culte, mais que rien ne distingue à l'extérieur des autres habitations. Avec la paix constantinienne, on construit des églises; mais ce sera, par exemple, en adoptant le modèle de la basilique civile, type du bâtiment d'assemblée du peuple. Les ser- vices de la communauté y sont encore rattachés. Au Moyen-Âge, l'édifice de l'église peut s'isoler, car il devient le foyer central de toute la vie de la cité chrétienne. Aujourd'hui, dans une société pluraliste, l'église correspond à un service public pour une fraction de la société. Ceci prend un double aspect selon qu'on l'envisage du dehors ou du dedans.
a) Pour la société civile, l'église pose le problème de la liberté du culte. Elle fait partie de ces équipements d'intérêts généraux que ne peut ignorer l'urbanisme.
b) Pour l'Eglise, il s'agit de donner au monde l'image du désintéressement évangélique, d'une société ouverte, d'un foyer de charité, de la Bonne Nouvelle pour tous.

ROLE DE L'ARCHITECTURE ET DES AUTRES ARTS
DANS LA CONSTRUCTION DES EGLISES
L'architecture fait la synthèse de tous les éléments constitutifs du bâtiment: technique, formes et couleurs, éclairage et acoustique, mobilier, etc. Le maître d'œuvre intègre la participation des artistes et des techniciens pour l'harmonie générale de l'édifice. Pour cela, le dialogue de l'architecte avec les constructeurs, le sculpteur, le verrier... doit s'établir dès la conception de départ.

LES TROIS FONCTIONS DE L'ARCHITECTURE
Lorsque, pour les arts qui servent la liturgie, on parle de « fonction », il faut entendre le mot conformément à la nature même de la liturgie qui est communication entre Dieu et les hommes dans des signes sensibles. Le mot « fonction» a donc, ici, un sens assez différent, ou du moins plus riche, que celui qu'il revêt dans l'expression « architecture fonctionnelle ».
Nous devons en effet distinguer plusieurs niveaux de profondeur dans les fonctions de l'architecture.
1° L'art de bâtir a d'abord une fonction pratique. Le bâtisseur d'église doit fournir un bon « outil» pour célébrer (s'assembler, voir, entendre, s'asseoir, se déplacer, etc.), tout comme le constructeur d'immeubles doit faire des logements qui soient de bons outils pour habiter (dormir, manger, travailler, etc.). Tel est l'aspect proprement fonctionnel de l'architecture religieuse.
2° L'art de bâtir a en même temps une fonction humaine. Il ne suffit pas qu'un appartement réponde à des besoins pratiques; on le veut encore adapté à des besoins plus largement humains, favorisant la vie de famille en même temps qu'une juste intimité, procurant l'espace nécessaire au loisir, à la culture, à la vie de l'esprit. De même, il ne suffit pas qu'une église soit commode pour l'accomplissement des rites liturgiques. Elle doit favoriser la vie fraternelle, simple et vraie, en même temps que le recueillement et la méditation personnelle. Au sein d'une culture donnée, elle devrait susciter chez tout homme capable d'admiration et d'élévation un sens plus aigu des valeurs de l'esprit: amour et respect, vérité et beauté, communion et liberté. Fallacieuse serait la liturgie qui contraindrait les fidèles à laisser à la porte de l'église une partie de leur humanité, puisque c'est cette humanité qui doit y être sanctifiée et offerte.
Pratiquement, les moyens techniques dont dispose l'architecture contemporaine doivent apporter toute une série d'améliorations pra- tiques appréciables, concernant la cohésion de l'assemblée, la visibilité, l'audition, la circulation, le confort.
Par ailleurs, il faut se référer non à des rites abstraits mais au geste humain que suppose chaque rite: marcher, être assis, présider, parler de l'ambon à l'assemblée, accomplir à l'autel le repas du Seigneur, partager et distribuer le pain, etc. Chaque élément du lieu du culte doit s'accorder à un geste individuel ou collectif, et cet accord aura d'autant plus de chances d'être significatif du mystère célébré qu'il sera humainement plus vrai et plus juste, plus aisé et plus transparent.
Mais si les ressources expressives de l'art sont nécessaires à l'église, celle-ci n'a pourtant pas de style qui lui soit propre. L'histoire montre que les églises ont intégré, dans les styles de chaque époque, tout ce qui pouvait servir à mieux célébrer la liturgie et en mieux signifier le mystère. Le bâtisseur d'église, à la condition qu'il ait su intégrer les trois impératifs dont nous avons parlé: sens de la célébration, sens de la communauté chrétienne locale, sens de l'église dans la cité - ce bâtisseur d'église a donc le champ libre. On lui fournit un programme: qu'il en tire le meilleur parti.
3° Lorsqu'il s'agit d'édifices religieux enfin, l'art de bâtir est appelé une fonction spirituelle puisque, au-delà de ses fonctions pratique et humaine, il doit évoquer pour les croyants qui se rassemblent « en Eglise », la réalité invisible qu'ils célèbrent. Il ne s'agit pas, pour l'architecture, d'une fonction qui s'ajouterait du dehors aux précédentes. De même qu'on n'ajoute pas le beau à l'utile en plaquant une décoration sur un objet insignifiant, on ne superpose pas à des choses humaines les signes de la foi.
La beauté d'un édifice vient de l'esprit, de l'amour qui rayonne en ses formes. De même, le lieu du rassemblement pascal des chrétiens doit rayonner l'esprit du Christ et en favoriser l'épanouissement dans les disciples rassemblés en son Nom.

L'ESPACE SPIRITUEL
Dans la construction d'une église le moyen fondamental d'expression spirituelle n'est pas un élément de décor ou de symbolisme surajouté, mais une qualité, la qualité de l'espace développé par l'architecture elle-même et les autres arts, étant bien entendu que le décor pourra contribuer à l'enrichir et que certains signes expressifs du mystère chrétien seront toujours nécessaires.
Cette observation, essentielle dès qu'il s'agit d'architecture, paraît d'autant plus importante pour nos édifices religieux que la liturgie chrétienne nous rend présent - dans l'espace et le temps - par des rites et des signes, un salut qui s'opère dans l'histoire. Nous célébrons la mémoire des hauts faits accomplis par Dieu en faveur de son peuple: dans l'eucharistie, la mort salvatrice du Fils de Dieu venu dans le monde, et sa résurrection, consommation de l'histoire et inauguration d'un monde nouveau.
L'espace de la célébration liturgique doit être organisé de telle sorte qu'il permette à des chrétiens de se constituer en assemblée et de poser les actes qui signifient la grâce du salut et. l'attente de son accomplissement dernier.
Nous rejoignons par là-même un des éléments qui caractérisent la condition de l'homme: il est centre de relations altruistes, il affirme et déploie sa personnalité dans des rythmes d'espace et de temps.
Il y a continuité, fondée sur sa nature, entre la structure intime de l'homme, son expression par le geste et la parole, sa situation et son déploiement dans l'espace architectural, et son achèvement dans une communauté liturgique qui comporte une dimension universelle, à la fois théologale et cosmique.
Nous ne pouvons dans le cadre de cet exposé qu'évoquer l'importance de l'expression par l'espace architectural.
Quelles sont donc les réalités spirituelles fondamentales qui peu- vent et qui doivent ainsi transparaître dans une église?
Le peuple chrétien étant essentiellement une communauté rassemblée par Dieu dans le Christ « Dieu-avec-nous ", le lieu de réunion doit d'abord être le signe lisible de cette grâce que le Christ lui a faite une fois pour toutes, d'avoir, par Lui, accès au Père. .. Donc, pour ce qui regarde le peuple de Dieu, sujet et acteur de la liturgie, possibilité de se tenir dans un rapport exact avec son Seigneur. Ni distance redoutable, ni familiarité vulgaire, mais affirmation de son partage de vie avec Dieu dans un rassemblement fraternel autour des lieux de l'action liturgique et sacramentelle.
Quelle que soit la disposition matérielle adoptée pour exprimer les rapports entre le peuple et la Parole de Dieu (ce qui nécessite un ambon), le peuple et l'eucharistie (ce qui requiert un autel), la fonction spirituelle de l'art est d'évoquer avant tout, par la qualité de l'espace créé et la justesse de son organisation, quelque chose du mystère que les chrétiens viennent y célébrer.

LE SYMBOLISME ET LES SYMBOLES
On croit volontiers que la qualité spirituelle d'un édifice religieux dépend du symbolisme qui se manifeste dans le décor ou l'architecture, symbolisme cosmique, symbolisme ésotérique comme on en ) retrouve au moyen âge, ou symbolisme proprement chrétien.
Outre que le mot symbole, utilisé actuellement dans les acceptions les plus diverses, entretient des confusions qu'il faudrait d'abord élucider, et favorise trop de tendances ou d'entreprises hasardeuses, un simple regard sur l'histoire de l'Eglise laisse apercevoir qu'il n'y a
pas à ce sujet de tradition impérative, constante et universelle.
Nous pensons qu'il est sage de ne pas utiliser ici le mot et de ne pas aborder le problème des symboles, et nous recommandons vivement
à ceux qui construisent des églises pour les hommes d'aujourd'hui de ne pas s'engager à la légère sur le terrain de l'expression symbolique.

les fonctions liturgiques de la maison du peuple de Dieu
Il importe de saisir l'unité organique de fonctions qui se compénètrent généralement. Leurs implications réciproques varient selon l'objet du rassemblement: baptême, messe, funérailles, etc. Elles reproduisent pourtant assez souvent, de manière plus ou moins complète, la genèse même de l' « initiation chrétienne », c'est-à-dire la démarche progressive de l'entrée dans le mystère de l'Eglise. Nous choisirons donc un schéma d'exposé qui semble plus conforme à la nature des choses et au mouvement de la vie. Il est en même temps plus susceptible d'inspirer à l'architecte des solutions justes, dégagées de solutions historiques trop partielles.

I - RASSEMBLER UNE COMMUNAUTE DE CROYANTS ET ORGANISER LES LIEUX DE LA CELEBRATION LITURGIQUE
La première fonction de l'église est de permettre à des chrétiens, dispersés dans le monde, de se rassembler au nom de leur foi. Ici apparaît la spécificité de l'église chrétienne. Les temples des religions non-chrétiennes furent, la plupart du temps, des édifices destinés à marquer le lieu où habite une divinité, à abriter sa statue, à recevoir les sacrifices qui lui sont offerts ou les prières qui lui sont adressées par des individus. C'est vraiment un «lieu de culte! ». Et cela d'autant plus que la divinité est, presque toujours, locale ou localisée. Il en était encore ainsi dans l'Ancien Testament, bien que fût commencée la révélation historique du vrai Dieu, et malgré l'inter- diction de le représenter par des images et sculptures: Dieu demeure là où est l'arche d'Alliance, d'abord au désert, puis à Silo, enfin au temple de Jérusalem: « séjour de la Gloire de Yahvé! ».
Dans la nouvelle «disposition! » (Nouveau Testament) et avec l'avènement du Christ, la présence de la Gloire de Dieu est transférée du Temple de Jérusalem au Corps ressuscité du Christ et par lui dans l'assemblée des croyants qu'il s'incorpore au long de l'histoire. «Femme, crois-moi, dit Jésus à la Samaritaine, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. L'heure vient, et nous y sommes, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité! » (Jn 4,22-23). Saint Paul annonce aux Athéniens: «Dieu n'habite pas dans des temples faits de main d'homme» (Ac. 17, 24), mais Dieu est là où les vrais adorateurs se rassemblent en son nom.

Nous ne pouvons plus concevoir une église, à la manière préchrétienne, comme la «maison de la divinité », ou bien comme «le lieu
du sacré ». Si l'église est appelée improprement «maison de Dieu» c'est parce qu'elle est d'abord la maison d'une assemblée de croyants
au milieu desquels le Christ est présent (Mt 18, 20).

UN ESPACE POLARISE
C'est l'assemblée célébrante qui doit créer et organiser son espace. Avant de se référer à des choses ou à des lieux, l'espace se rapporte
à des personnes et à des actions.
Ainsi, il y a une nécessaire distinction entre les lieux de la liturgie de la Parole et de la liturgie eucharistique, qui deviennent successivement les centres vivants de l'assemblée. On peut, dans un édifice exigu, les regrouper dans un unique endroit, mais la liturgie s'accommode mieux d'une disposition manifestant, dans la diversité des lieux le dynamisme du culte chrétien.
Notons la différence essentielle entre une salle de spectacle et une église. Dans une salle de spectacle, il y a la scène des acteurs, puis la salle des spectateurs. Dans une église, tous sont acteurs de l'acte liturgique dans un ordre hiérarchique et selon la diversité des minis- tères. Certains mènent le jeu; mais il~ ne doivent jamais apparaître comme sur une scène, seuls acteurs agissant devant un public.

UN ESPACE PRATIQUE
Pour que chacun puisse aisément prendre part à l'action commune, il faut :
a) Avoir un lieu où l'on puisse se tenir debout ou assis, éventuellement à genoux, de manière suffisamment confortable pour que cela ne nuise pas à l'attention, au recueillement, au chant, à la prière « Inter Œcumenici », n° 98). Il faut pouvoir aussi y accéder sans causer ni subir de trouble. Il ne faut avoir ni trop froid, ni trop chaud, ce qui suppose résolus les problèmes du chauffage et de l'aération.
b) Voir suffisamment, non seulement l'autel, ce qui s'y fait, mais aussi le lecteur à l'ambon, celui qui préside à son siège, les autres ministres, l'ensemble des mouvements de la célébration. C'est une invitation à utiliser avec moins de timidité des procédés qui se pratiquent couramment ailleurs: par exemple, pour ne pas avoir à élever indûment le sanctuaire et l'autel, disposer la nef en plan incliné.
C'est une invitation aussi à étudier avec soin l'éclairage, naturel et artificiel. Les rassemblements modernes usent en général largement
de la lumière que les techniques actuelles mettent à. notre disposition. Mais gardons-nous de les utiliser avec trop de facilité et sans réserve aucune. L'éclairage ne pose pas qu'un problème technique, il pose tout autant un problème spirituel.
c) Entendre toutes les paroles dites ou chantées soit par celui qui préside à la prière, soit par un de ses ministres, soit par la schola. Pour participer, il est plus important encore d'entendre que de voir. C'est dire que les conditions acoustiques constituent, pour une église, un impératif absolu.
Il y a lieu d'insister fortement pour que les architectes usent de toutes les techniques actuelles d'insonorisation ou de sonorisation pour obtenir un résultat satisfaisant. Que l'on commence par éliminer toute résonance excessive ou parasite. Que l'on juge ensuite s'il est nécessaire d'ajouter une sonorisation électronique. Dans la plupart des églises de petite dimension, cela ne devrait pas être indispensable. Si on doit sonoriser, on le fera pour tous les postes de parole individuelle, présidence, ambon, autel, pupitre du commentateur, et au bénéfice de toute l'assemblée - sans oublier le banc des sourds, avec casques individuels. Enfin, on prévoira une sonorisation adaptée à la liturgie, qui transmette la parole sans la déformer ni l'amplifier de manière insupportable, en sorte que le remède ne soit pas pire que le mal.
La question de l'acoustique devra être étudiée par l'architecte avec un ingénieur acousticien, un facteur d'orgues qualifié, au moment où les plans sont élaborés. C'est là une part essentielle de son œuvré. De même, que la sonorisation soit prévue et étudiée dès cette étape, afin qu'elle soit harmonieusement et discrètement intégrée à l'en- semble architectural, mais sans oublier que ce type d'installation risque d'être assez rapidement périmé.
Ce n'est pas après coup que les problèmes d'insonorisation doivent être abordés. Ils ne peuvent plus être alors résolus de manière satisfaisante.

II - ACCUEILLIR DES FRERES DANS LA FOI
Les chrétiens qui viennent à l'église ne sont pas à leur arrivée constitués en assemblée liturgique. Venant de la cité pour célébrer la liturgie, ils ont d'abord à reprendre conscience de leur appartenance à une communauté de foi. C'était une des fonctions de l'ancienne «maison d'église}} en milieu païen, et sans doute aussi une des fonctions des narthex médiévaux et des enclos paroissiaux bretons: on y retrouvait les frères dans la foi, l'Eglise locale avec ses divers services et ministères. Un besoin analogue se fait aujourd'hui sentir. II faut 'donc que les lieux permettent une transition entre la rue et l'église, puis un accueil fraternel.

TRANSITION ET ACCUEIL
Si l'église est un bâtiment autonome, on évitera, si possible, que la porte de la nef donne immédiatement sur la rue. Un espace vert, une cour, une galerie couverte ou un hall devraient permettre la transition souhaitable, à la fois physique et psychologique. Pour les autos, les bicyclettes ou les voitures d'enfants, on prévoira les parkings nécessaires. Si l'église fait partie d'un «complexe ecclésial », il sera facile de la situer dans une position plus retirée. Le silence à l'intérieur d'une église est un impératif majeur. Mais on prendra garde, en assurant la transition, à ne pas fermer psychologiquement l'accès de l'église au monde extérieur. Elle doit apparaître ouverte, comme une invitation permanente à entrer, voir, entendre, rencontrer des chrétiens, être surtout une invitation à la prière.
Transition et accueil vont de pair. L'église a besoin d'un lieu d'accueil signe d'une hospitalité vraie. Dans ce hall d'entrée, des membres de la communauté (clergé ou laïcs; c'était, dans les premiers siècles, un rôle essentiel des diacres ou diaconesses) pourront recevoir les arrivants, informer, guider. II y faudrait des sièges, des tables pour parler, prendre des rendez-vous. Un vestiaire et des toilettes seront prévus. Dans cette entrée seraient affichées les informations concernant la vie de la communauté. Là, prendrait place le stand de presse dont jamais le lieu de la prière commune ne devrait être encombré. Ce serait peut-être le lieu des collectes, des quêtes ou des offrandes (l'offrande que 1'on fait justement à la messe, si elle se situe à l'arrivée, libère d'autant la célébration de l'eucharistie). Les bureaux d'accueil ou de permanence (prêtre de garde, parloirs, secrétariat paroissial) devraient donner dans ce hall, sans qu'on doive traverser l'église pour y arriver. De même qu'une nursery pour la garde des bébés pendant les offices. Enfin un passage direct vers la sacristie, qui permet ainsi de faire les processions d'entrée de la liturgie par le fond de l'église. Ce lieu d'accueil devrait être tel qu'un non chrétien ne répugne pas à y accompagner un ami, à venir s'informer, et qu'il s'y sente à l'aise.
Rien n'empêcherait que ce hall soit aussi le lieu de certaines parties de la liturgie, comme une station pénitentielle avant un office, les rites d'accueil du baptême et du mariage, la bénédiction du feu nouveau dans la nuit pascale, etc. On pourra y prévoir des haut- parleurs susceptibles d'être branchés sur la sonorisation de l'église en cas de besoin.
Un lieu d'accueil est certainement un élément important du pro- gramme d'une église dont la fonction d'hospitalité est devenue aujourd'hui quasi nécessaire dans les agglomérations urbaines.
On aménagera une entrée assez large, avec un accès par plan incliné pour les voitures de paralysés.

III - ECOUTER LA PAROLE DE DIEU
L'assemblée des croyants existe en raison de sa convocation par la Parole de Dieu. L'assemblée liturgique, quelle qu'elle soit, commence toujours par écouter la Parole transmise sous diverses formes: lecture de l'Ecriture, homélie, catéchèse, conférences.
Une église doit permettre ces différentes transmissions de la Parole. Outre l'église proprement dite, des locaux différents et adaptés sont nécessaires, au moins quelques salles de catéchisme et une grande salle de réunion.

LE LIEU DE LA PAROLE
L'ambon. - L'ambon est un lieu inscrit dans l'architecture de l'église d'où on proclame la Parole de Dieu au peuple assemblé. Il est réservé à la lecture de l'Ecriture Sainte et à son commentaire dans l'homélie ainsi qu'au chant des psaumes. On doit percevoir le caractère sacré de la liturgie de la Parole grâce aux qualités de l'ambon, à son élévation, ses dimensions, sa forme. Un pupitre supportera le lectionnaire.
Du point de vue pratique, « l'ambon doit être disposé de telle façon
que le ministre puisse être vu et entendu par les fidèles» «( Inter Œcumenici ", n° 96). Son niveau peut être plus élevé que celui de l'autel. Sur sa plate-forme, l'ambon doit-il nécessairement comporter une paroi comme les ambons des églises primitives? C'est un problème d'architecture et une affaire pratique. Ce n'est pas une obligation liturgique. La disposition et l'accès de l'ambon doivent éventuellement permettre le déploiement solennel de la proclamation de la Parole de Dieu, avec procession et encensement.
Les directives épiscopales font remarquer que le lieu de la Parole est mieux signifié par un seul ambon que par deux, et qu'~m emplacement secondaire est alors nécessaire pour les commentaires, annonces, direction du chant.
L'emplacement de l'ambon. - La place de l'ambon en Occident et à l'époque contemporaine est habituellement liée au sanctuaire. Cependant elle n'a pas été fixée par une prescription particulière.
Elle sera donc choisie avec une relative liberté, en fonction de la liturgie, de la disposition générale des lieux et des besoins de l'assemblée. Ce principe de liberté est tel qu'on peut utiliser dans certains cas un pupitre mobile. Lorsqu'il s'agit d'un emplacement fixe, le choix de la place est important car il détermine le lieu de toute la «liturgie de la Parole» : lectures, chants et prières, qu'on retrouve maintenant dans l'ensemble des célébrations liturgiques et de l'administration des sacrements.
Le lieu de la Parole doit permettre une communication directe du lecteur ou prédicateur avec tous, c'est-à-dire que chacun doit se sentir à portée de voix et de geste de celui qui parle.
Il faut donc se méfier des trop grandes distances, et en particulier des espaces vides qui créent une zone morte entre l'ambon et les premiers auditeurs. Se méfier aussi d'une élévation excessive de l'ambon qui fait pleuvoir de trop haut les phrases du lecteur sur la tête des assistants. On doit sentir la transcendance de la Parole annoncée, en même temps que son caractère humain et tout proche. Il est souvent plus simple pour les célébrations liturgiques que ce lieu soit lié au sanctuaire. Cette disposition peut se coordonner avec une tendance à rapprocher le baptistère du sanctuaire en sorte que l'ambon puisse, dans un rituel rénové du baptême, servir pour la liturgie de la Parole incluse en la célébration du baptême. C'est la pratique la plus habituelle, mais il est juste d'imaginer et de préférer d'autres solutions.
On commet souvent l'erreur de situer d'abord l'autel aussi proche que possible des fidèles, quitte à reculer la présidence et à écarter l'ambon. Or, il est important que la liturgie de la Parole mette les ministres de cette liturgie - président, lecteurs, psalmiste, etc. - en contact immédiat avec l'assemblée, tandis que la liturgie eucharistique ne requiert pas pour l'autel une proximité aussi immédiate. Cette manière de faire permet de mieux manifester la progression, le dynamisme du culte chrétien, le passage de la célébration de la Parole à la célébration de l'eucharistie.
L'histoire montre que l'Eglise a disposé le lieu de la Parole de façons très diverses selon les époques et les traditions locales. On connaît l'usage syrien ancien - mais aussi occidental semble-t-il - qui plaçait l'ambon au centre de l'assemblée, c'est- à-dire au milieu (parfois au fond) de l'église. Là prenaient place, avec le célébrant, tous les ministres. Cela conduisait, après la liturgie de la Parole, à une procession des ministres vers le sanctuaire pour la liturgie eucharistique, déplacement à la fois fonctionnel et plein de sens. Le peuple, en effet, peut difficilement changer de lieu entre les deux parties de la messe, mais les ministres le peuvent aisément. Peut-être de telles réalisations nous apparaîtront-elles moins «archéologiques» si on retrouve des assemblées où certains membres, comme les catéchumènes, quittent l'église après la liturgie de la Parole et où l'eucharistie entraîne une nouvelle concentration et un resserrement de l'assemblée. Il existe déjà des chapelles divisées en deux parties: la liturgie de la Parole se fait au milieu de l'assemblée assise; à partir de l'eucharistie, tous se regroupent, debout, autour de l'autel, En tout cas, cette disposition nous aide à réfléchir et à chercher comment la Parole doit être le plus proche possible des fidèles. Pour l'aménagement de certaines églises, tout en longueur, dans lesquelles on ne peut valablement déplacer un autel situé tout au fond, c'est même la seule solution que de rapprocher le lieu de la Parole, en laissant intact le lieu de l'eucharistie.

LIEUX ANNEXES DE LA PAROLE
a) Dans l'église même, il faut prévoir, outre l'ambon, réservé à la Parole de Dieu.. un emplacement avec pupitre et éventuellement micro, pour les interventions de second plan: monitions du diacre ou du commentateur, avis divers, direction des chants, etc. Le pré sanctuaire (voir plus avant) semble indiqué pour ce pupitre modeste, qui peut également servir pour des catéchèses, cercles bibliques, conférences et causeries qui se font dans l'église.
b) Cependant les réunions de catéchisme aux enfants, de cercle d'études, etc., appellent de préférence des salles adaptées que l'on doit trouver dans les annexes.

IV - PRIER ET CHANTER EN ASSEMBLEE
Une fois rassemblée par la Parole de Dieu, l'assemblée la médite; elle prie pour son salut et pour toute l'Eglise; elle rend à Dieu le culte de la louange.
Cela suppose:
- une fonction de présidence, pour l'ouverture et les prières conclusives;
- une fonction diaconale pour les monitions et intentions de prières; - une fonction chorale pour les chants.
Ceux qui exercent ces fonctions doivent prendre place à l'endroit qui convient le mieux pour le service qui est le leur dans le déroulement de l'action liturgique.

LE LIEU DE LA PRESIDENCE ET DE L'IMPLORATION
Organique et hiérarchique, l'assemblée liturgique comporte un président qui tient la place du Christ lui-même.
a) Le lieu de la présidence, à l'encontre d'une tenace habitude, ne doit pas apparaître comme celui d'une majesté lointaine ou d'une présidence honorifique, mais d'un service hiérarchique. C'est le lieu où le célébrant rassemble, «collecte» les intentions de l'assemblée en une prière solennelle.
Ce lieu, marqué par un emmarchement, porte un siège où le célébrant s'asseoit pour écouter la proclamation de la Parole de Dieu. Ce siège n'est pas un trône. Dans une église paroissiale, il n'est pas non plus la cathèdre de l'évêque (selon l'Instruction de juin 68, cette cathèdre ne doit plus être surmontée d'un baldaquin; des degrés doivent l'élever pour que les fidèles puissent bien voir l'évêque comme celui qui préside toute la communauté).
Il ne convient pas d'isoler le président. Il sera au contraire entouré de ses ministres, pour lesquels il faut prévoir les sièges nécessaires. S'il y a d'autres prêtres, spécialement dans la messe concélébrée, il formera avec eux un presbyterium. Donc, si le président est seul, le pôle de la présidence sera normalement collectif, et apparaîtra tel dans la disposition des lieux.
b) L'on ne doit pas non plus isoler le président et ses ministres de la communauté. La basilique situait la présidence au fond de l'abside: solution assez logique, souvent excellente pour l'acoustique. En ce cas, le siège doit être plus élevé que l'autel pour ne pas être caché par lui. Mais cette solution est rarement bonne, soit parce qu'on manque d'espace entre l'autel et le fond du sanctuaire. soit parce que la disposition «en flèche» de l'autel et de la présidence fait que ces éléments se nuisent, soit parce qu'on coupe ainsi le prêtre de l'assemblée durant la liturgie de la Parole, et que l'on scinde en deux le déploiement de cette liturgie.
Il existe des solutions dissymétriques qui organisent entre eux les lieux de la présidence, de l'ambon, de l'autel, et même de la réserve eucharistique, quand on ne dispose pas d'une chapelle séparée de la nef principale. De telles dispositions sont souvent meilleures que des perspectives en «enfilade ». Chaque élément doit pouvoir devenir à son tour centre de l'action sans être gêné par les autres.
On jugera d'après l'ensemble architectural si le siège doit être fixe ou mobile, individuel ou pris dans un banc courant le reliant aux autres ministres. Dans tous les cas il doit être intégré dans l'ensemble des fonctions. L'arrivée au siège en procession, puis le passage à l'ambon ou à l'autel, doivent pouvoir se faire aisément et dignement. Ce qui requiert un espace d'une certaine ampleur.

LA PLACE DU DIACRE ET LE PRE SANCTUAIRE
Le diacre est le serviteur de l'assemblée et des mystères célébrés. Sa fonction liturgique comprend les monitions diverses, et surtout les intentions de la prière universelle. En son absence, elle est assurée tantôt par le célébrant, tantôt par un commentateur.
Pour la prière universelle, cette fonction est liée au lieu de la Parole. La plupart du temps, elle se situera dans ce lieu annexe mentionné à propos de l'ambon.
Dans les liturgies orientales, la place du diacre est souvent prévue dans un pré sanctuaire, c'est-à-dire un lieu intermédiaire entre l'es- pace du peuple et le sanctuaire proprement dit. Un tel lieu, libre et bien dégagé, paraît nécessaire dans toute église. Plus haut que la nef et plus bas que le sanctuaire, il servirait aussi comme lieu pour la communion et pour d'autres services liturgiques: confirmation, mariage, funérailles.

LA SCHOLA ET L'ORGUE EN RELATION AVEC L'ASSEMBLEE
La schola est au service de l'assemblée chantante. Sa place doit être prévue dans toute église, ainsi que celle des instruments et instrumentistes qui accompagnent le chant.
« La place de la schola et celle de l'orgue seront disposées de telle sorte qu'on voit clairement que ceux qui exercent les fonctions de chanteurs et d'organiste font partie de l'assemblée des fidèles, et qu'ils soient à même de remplir au mieux leur fonction liturgique» «< Inter Œcumenici », n° 97).
En conséquence : pas de tribunes coupées de l'assemblée, ni pour la schola, ni pour l'orgue, mais un lieu « charnière» entre les ministres et l'assemblée. La schola fait partie de l'assemblée; elle doit se sentir telle et apparaître telle. Mais en même temps, pour remplir son rôle, il lui faut un lieu propre qui facilite psychologiquement et techniquement sa cohésion.
Tout en étant visible des fidèles (car l'origine du son doit être localisable dans l'assemblée), la schola ne doit pas attirer l'attention. Afin que le son parvienne bien à toute l'assemblée, il doit être « appuyé » au-dessus et en arrière de la schola, et ainsi « dirigé » vers l'assemblée par réflexion. Effets souvent obtenus par une position latérale en tête de la nef. L'orgue, du moins la console de l'organiste, doit être proche des chanteurs et de leur chef. Pour déterminer l'emplacement qui lui convient le mieux, on prendra l'avis de facteurs d'orgues et d'organistes. L'orgue constitue en outre un élément architectural important qui doit être intégré à l'ensemble. Il peut exprimer merveilleusement la louange de Dieu. S'il y a lieu, on prévoira aussi près des chanteurs la place d'instrumentistes.
Rappelons, à propos de la chorale, ce que nous avons dit des impératifs acoustiques d'une église. On doit comprendre les chants de la chorale, et on devrait habituellement le pouvoir sans user de sonorisation.

V - BAPTISER
L'initiation chrétienne comporte la préparation au baptême (catéchèse, rites du catéchuménat, cérémonies préparatoires), puis le baptême proprement dit. La préparation utilise les lieux dont nous avons déjà parlé: hall d'entrée, lieu de la Parole ou salles annexes. L'acte final nécessite un lieu propre au sacrement : le baptistère.

FETE DE LA COMMUNAUTE
Le baptême des adultes ou des enfants implique que la célébration du baptême soit un événement de la communauté. Nuit pascale, baptêmes groupés à certaines dates, etc., supposent un concours de peuple. Cela exclut à l'avenir que le baptistère soit situé dans un coin retiré ou dans un lieu étriqué de l'église. On ne pourra qu'exceptionnellement envisager un grand baptistère autonome et distinct de l'église. Tout cela invite à placer le baptistère dans l'environne- ment du sanctuaire, de manière qu'il soit visible de la plus grande partie de l'église.
Ce lieu où naissent les chrétiens est un lieu saint. Il devra rester pour eux un mémorial de leur entrée dans l'Eglise et un signe permanent de sa maternité féconde. On doit attacher à sa réalisation une grande importance et lui conférer une sobre dignité.
Sans doute le catéchumène a déjà participé à la liturgie de la Parole, et les enfants de familles chrétiennes ne sont pas des étrangers à l'Eglise. Pourtant, le moment du baptême marque pour eux l'agrégation définitive à l'Eglise, Corps du Christ, ouvrant l'accès à la communion eucharistique.

L'ENTREE DANS LA COMMUNION DE L'EGLISE
Le rituel du baptême subit de profondes modifications. Il recommande la célébration collective. Si celle-ci réunit des familles vrai- ment pratiquantes, elle pourra se dérouler au cours d'une messe paroissiale. En toute hypothèse, le baptême des petits enfants comprendra une liturgie de la Parole. Tout cela implique une possibilité de participation pour une véritable assemblée. Comme nous avons déjà, pour la messe, un lieu de la Parole et un lieu de l'assemblée, il paraît logique que le baptistère profite des aménagements déjà existants et qu'il soit construit en liaison avec le sanctuaire. Par là encore sera mieux affirmé le lien entre le baptême et l'eucharistie.

UN BAIN D'EAU VIVE
Le rite essentiel du baptême est un bain dans une eau vive, symbolisant par une descente (immersion) et une remontée (émersion) la mort et la résurrection en Jésus Christ, dont ce bain est le signe efficace. Un bain appelle une cuve, une piscine, un lieu en contrebas où descendent le baptisé adulte et, lorsqu'il s'agit d'un enfant, celui ou celle qui le porte.
Il faut envisager dans les plans le baptême par immersion, et non seulement par eau versée; les rituels en préparation nous inviteront à retrouver la vérité du geste et le sens spirituel de cette nouvelle naissance. L'eau baptismale sera bénie à chaque fois, et prise à une eau courante. Il ne faut donc pas songer seulement à une cuve, mais prévoir aussi une adduction d'où jaillira la source d'eau vive, une évacuation, et peut-être le chauffage de l'eau. La réserve des saintes huiles, l'emplacement du cierge pascal - symbole du Christ ressuscité - celui des registres des baptêmes, et enfin l'armoire aux accessoires nécessaires, tout cela doit être réalisé de manière digne et significative.

VI - CELEBRER L'EUCHARISTIE
La célébration de l'eucharistie constitue le terme de l'initiation chrétienne et le sommet du culte chrétien.
Le lieu de sa célébration est appelé sanctuaire parce que, là où se célèbre l'eucharistie, la foi reconnaît dans le sacrement la présence divine. Le sanctuaire, espace bien différencié mais ouvert, est essentiellement le lieu de l'autel, table sainte de ce repas eucharistique et lieu du renouvellement sacramentel de la Pâque du Christ. Dans l'environnement de l'autel, la croix du Christ manifeste, au niveau du signe, le lien entre le sacrifice de Jésus et l'eucharistie célébrée. Instituée par le Christ, l'eucharistie est: «sacrement de l'amour, signe de l'unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l'âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné» (Constitution sur la liturgie, n° 47).
C'est dans la célébration elle-même de l'eucharistie, dans cette venue mystérieuse du Seigneur parmi les siens, que l'assemblée reçoit le germe de la gloire du Royaume.
Cet au-delà de la célébration eucharistique, cet avènement glorieux du Royaume dans la parousie, dont l'eucharistie délivre le signe et le gage, doivent-ils être symboliquement suggérés dans l'architecture et le décor de l'église, et spécialement par-delà l'autel ? Faut-il évoquer matériellement cette perspective eschatologique? Les églises du passé ont voulu indiquer cette dimension supra cosmique de l'eucharistie dans leur composition architecturale et iconographique. Aujourd'hui, par quel langage plastique évoquer cette dimension à nos contemporains?

LA CREDENCE
La procession des oblats comporte l'apport des pains et du calice à l'autel à partir d'une crédence sur laquelle on rapporte le calice après la communion. Cette crédence doit être un élément aménagé avec discrétion dans la périphérie du sanctuaire. Elle doit être suffisamment grande pour recevoir en plus du calice un ou plusieurs ciboires, l'eau et le vin de l'offrande sur leur plateau, l'aiguière et le plateau pour le lavement des mains...

L'AUTEL
L'autel est le lieu du sacrifice; il est la table autour de laquelle le peuple de Dieu est invité à se réunir pour prendre part au repas du Seigneur; il est le centre de l'action de grâce que constitue l'eucharistie.
a) Du point de vue pratique: «il est bien de construire l'autel majeur séparé du mur, pour qu'on puisse en faire facilement le tour et qu'on puisse y célébrer vers le peuple, et il sera placé dans l'édifice de façon à être véritablement le centre vers lequel l'attention de l'assemblée des fidèles se tourne spontanément» «< Inter Œcumenici »., n° 91).
Les Directives épiscopales observent qu'il n'est plus nécessaire de donner à l'autel de grandes dimensions. L'autel pourra être réduit en longueur au bénéfice d'une plus grande profondeur. Il libérera l'espace nécessaire aux circulations et favorisera les rites de la concélébration. De même la célébration de face appelle, pour l'esthétique et l'aisance du célébrant, des autels plus bas que par le passé (la table sera à 0,95 m du sol environ). Sa position dans l'axe du sanctuaire va de soi et ne doit pas être abandonnée à la légère. Mais ce n'est pas un impératif absolu.
b) Pour favoriser la participation active de l'assemblée à l'action eucharistique, on tend de plus en plus à rapprocher l'autel des fidèles.
Réaction très juste à son point de départ mais qui risque de se transformer en tentation ruineuse au point d'arrivée si on cherche un rapprochement maximum. Il faut plutôt chercher à ce que le rapprochement de l'autel contribue à créer le meilleur espace architectural pour la célébration eucharistique elle-même, l'espace garantissant la proximité et la dignité indispensables.
c) Une nappe revêt l'autel par révérence pour le repas dans lequel on reçoit le corps et le sang du Seigneur. Elle ne doit pas cacher la forme et la matière de l'autel, ni rien lui enlever de sa vérité, de sa simplicité et de sa force.
d) Par son volume et ses proportions, son matériau et son travail, l'autel, tout en restant simple, devrait être l'objet le plus beau de l'église. Signalons, à l'expérience, le résultat souvent disgracieux dans la célébration face au peuple d'une table dont les pieds latéraux laissent apparaître au milieu la partie inférieure du célébrant.
Rappelons enfin le principe de l'unicité de l'autel. Si dans une église il y a nécessité d'ajouter à l'autel principal d'autres autels pour des célébrations plus restreintes ou privées, qu'ils soient disposés le plus possible à l'écart de la vue et des circulations principales.

ELEMENTS ANNEXES DE L'AUTEL
a) Emmarchement. Pour signifier la dignité de l'autel il lui faut un emmarchement. Mais il ne faut pas surélever tellement l'autel qu'il impose une présence écrasante et que le célébrant soit coupé de l'assemblée. On doit pouvoir faire facilement le tour de l'autel pour l'encensement.
b) La croix.
Pour signifier que dans la célébration nous faisons mémoire du sacrifice du Christ en sa passion bienheureuse, une croix sera placée dans l'environnement de l'autel, bien en vue de toute l'assemblée. Pour ne pas masquer le célébrant, il est possible de la suspendre. L'Instruction du 21 juin 1968 sur les rites pontificaux dit qu'il est bien, après avoir porté la croix dans la procession d'entrée, de la dresser auprès de l'autel, de telle sorte que cette croix devienne celle de l'autel.
c) Les chandeliers.
Quand l'autel était placé au fond du sanctuaire, il faisait partie, avec son retable, d'un ensemble décoratif et évocateur de gloire. Les chandeliers étaient posés sur les gradins de l'autel et concouraient, par leur verticale, à créer cette évocation de gloire. A présent, l'autel est avancé et dépouillé de tout ce qui est étranger à son mystère, à sa signification propre. Visuellement, il n'est plus d'abord un support retable ou un porte cierge. Il porte simplement les oblats. Plutôt que posés sur lui, les chandeliers l'entourent pour dilater l'espace, donner à la célébration son caractère festif et exprimer le rayonnement de la présence du Christ.
Enfin, les fleurs doivent servir l'autel, l'exalter et non pas le décorer
et encore moins le « tuer» !

LE RITE DE LA COMMUNION
La célébration eucharistique trouve son achèvement dans la communion. L'endroit où le peuple de Dieu reçoit en nourriture le sacrement du Corps du Christ, le repas de la Pâque, cet endroit a lui aussi ses exigences de dignité. Ce devrait être autour ou du moins très près de l'autel. Mais, dans les assemblées eucharistiques nombreuses, afin que la communion ne dure pas un temps disproportionné, il faut prévoir plusieurs points de distribution, situés de préférence à la jonction de l'espace des fidèles et de l'espace du sanctuaire.
On devra pouvoir y accéder et en revenir aisément, dans une démarche ordonnée et festive, respectueuse du Seigneur et des frères.
La sainte réserve doit être facilement accessible aux prêtres qui ont donné la communion.
Aujourd'hui, on renonce de plus en plus aux tables de communion avec agenouilloir dont l'aspect de « barrière » gêne la communication entre l'autel et l'assemblée. D'ailleurs, l'habitude est prise de communier debout.

VII - SANCTIFIER LA VIE CHRETIENNE
En dehors de la messe dominicale et de l'initiation chrétienne, l'église, maison de la communauté, est souvent appelée à abriter des actes liturgiques publics de sanctification: messes de petites assemblées, mariages, funérailles, pénitence célébrée communautairement ou individuellement.

LA CHAPELLE « DE SEMAINE » pour les petites assemblées.
Pour la plupart de ces assemblées suffisent les lieux déjà étudiés. Le seul vrai problème posé est la variation en nombre des participants. En effet, Il ne faut pas qu'une assemblée, même restreinte, sente le vide autour d'elle, ni que le ou les ministres semblent perdus dans un sanctuaire désert. Certains espaces bien centrés ou certains jeux de volumes particulièrement heureux évitent cette impression. On peut alors utiliser la nef, l'ambon, l'autel, même pour quelques personnes. Au cas contraire, il faut avoir prévu une chapelle de semaine, permanente ou aménageable dans un lieu convenable, ou encore un bas-côté, qui donnent plus de cohésion. La chapelle de semaine permet souvent d'abriter le culte du Saint-Sacrement et, en hiver, de résoudre commodément le problème du chauffage pour les petites assemblées.

LE SACREMENT DE PENITENCE
Il est normal que dans une église il y ait un lieu propre pour les confessions particulières. Jusqu'à présent, la solution adoptée était le meuble dit confessionnal, peu humain, sombre, mal commode et anti-hygiénique.
L'endroit réservé au sacrement de la pénitence doit favoriser Une rencontre personnelle du prêtre et du pénitent, dans un vrai dialogue, et être insonorisé par respect du secret de la confession.
Il doit permettre les attitudes et les gestes sacramentels dans un cadre favorisant le recueillement. De petites pièces répondraient à ces exigences. Elles auraient leur place dans le fond de l'église, d'abord parce que la pénitence constitue une « rentrée» dans la communauté, puis pour la raison psychologique que certains pénitents n'osent pas avancer, ou encore ont l'habitude de trouver là un confesseur. Enfin, pour la raison pratique que ces confessions ne doivent pas troubler le recueillement dans l'ensemble de l'église.

LES MARIAGES
Les cortèges de mariage utiliseront l’allée prévue pour les entrées processionnelles mais Il faudra prévoir, pour le couple des mariés, une place suffisamment large en tête de l'assemblée, soit dans l'allée, soit dans le pré sanctuaire.

LES FUNERAILLES
Dans les paroisses à grande population, il faudra parfois prévoir une chapelle funéraire, discrète, digne et commode d'accès, où l'on puisse déposer et vénérer le corps quelque temps avant les funérailles. Ceci dit, on peut appliquer ici, pour la procession et la place du corps dans la liturgie des défunts, ce qui a été dit des mariages.

VIII - LA PRiERE INDIVIDUELLE ET L'ADORATION EUCHARISTIQUE
Beaucoup d'hommes - croyants ou non - dans une vie bruyante et tendue ressentent un besoin de silence et de paix. Certains n'ont pas chez eux le moyen de se livrer à la prière silencieuse, à la méditation, à la contemplation dont ils sentent la nécessité. A tous ceux- là l'église devrait offrir le lieu et les conditions cherchées. Il est trop peu d'églises où l'on ait envie d'entrer et de demeurer, soit parce qu'elles sont envahies par le bruit extérieur, soit parce qu'elles sont laides, inhospitalières, distrayantes, ou simplement dépourvues de tout ce qu'on attend d'un lieu de prière: harmonie, paix, sérénité, beauté. Si l'église est grande et peu propice au recueillement, il faut prévoir un lieu plus retiré et plus intime pour ceux qui le
désirent.

LA RESERVE EUCHARISTIQUE
En dehors de la célébration eucharistique, c'est principalement la présence sacramentelle du Seigneur qui confère à une église son caractère de lieu saint.
Depuis l'époque de la Contre-Réforme, la sainte réserve a été souvent liée à l'autel majeur avec lequel elle apparaissait comme le centre vital de l'édifice. Mais la rénovation actuelle de la célébration liturgique, en restaurant la .valeur propre de chaque moment de la célébration, a remis en valeur les autres modes de présence du Seigneur. D'autre part, pour retrouver sa signification propre de table du repas sacrificiel, l'autel unique a repris sa forme de surface plane correspondant à sa fonction première. « Aussi, à cause du signe, convient-il mieux à la nature de la célébration sacrée que la présence eucharistique du Christ - qui est le fruit de la consécration et doit apparaître comme telle - ne soit pas déjà, autant que possible, dès le début de la messe sur l'autel où on va célébrer.» « Eucharisticum Mysterium », n° 55.)
Le sens de la réserve eucharistique, loin d'être obscurci par cette évolution, doit apparaître plus clairement: «La fin première et primordiale de la conservation des saintes espèces dans l'église après la messe est l'administration du viatique; les fins secondaires sont la distribution de la communion en dehors de la messe et l'adoration de notre Seigneur Jésus Christ, présent de façon voilée sous ces espèces» «Eucharisticum Mysterium », n° 49). On devra comprendre, en vénérant le Christ présent dans le sacrement, « que cette présence dérive du sacrifice et tend à la communion sacramentelle en même temps que spirituelle» «Eucharisticum Mysterium», n° 50). Il faut que ce lieu de la réserve eucharistique «surpasse vraiment tous les autres» «Inter Œcumenici », n° 95). C'est dire qu'en dehors des offices, il doit orienter comme spontanément l'attention vers une présence. Doivent y concourir l'emplacement choisi, la beauté du tabernacle, son conopée ou sa porte précieuse, ainsi que !'usage d'y tenir une lampe allumée. Il ne doit y avoir qu'un seul tabernacle dans une église, solide et inviolable «
EMPLACEMENT DU TABERNACLE
L'Instruction sur le culte du mystère eucharistique en traite aux nOS 52 à 55. Il faut constater avec regret que la rédaction de ces numéros est peu claire. L'analyse des différents textes permet d'aboutir aux conclusions suivantes:

Première disposition: le tabernacle sur l'autel majeur.
« La sainte eucharistie sera conservée dans un tabernacle solide et à l'abri de toute profanation, placé au milieu du maître-autel...»
(n° 54, repris de l'instruction « Inter Œcumenici », 26 septembre 1964, n° 95).
Cette solution est à déconseiller, mais reste possible. Le tabernacle devra être, dans ce cas, «petit sans doute, mais suffisant» (n° 54).

Deuxième disposition: le tabernacle dans un autre lieu.
Il est recommandé de « placer le tabernacle autant que possible dans une chapelle séparée de la nef principale de l'église, surtout lors- qu'il s'agit d'églises où les mariages et les funérailles sont fréquents, et des lieux très visités pour leurs trésors historiques et artis- tiques» (n° 53).
a) Il convient que ce lieu «soit en même temps propice à la prière privée, pour que les fidèles ne soient pas empêchés d'honorer le Seigneur dans le sacrement, facilement et avec fruit, même pour leur culte privé» (no 53).
b) Cette disposition respecte les signes qui nous rappellent les «modes principaux selon lesquels le Christ est présent à son Eglise ». Ces modes «se manifestent successivement lors de la célébration de la messe, puisqu'il apparaît d'abord présent dans l'assemblée des fidèles réunis en son nom; puis dans sa Parole lorsqu'on lit et qu'on exprime l'Ecriture; ensuite dans la personne du ministre; enfin, et d'une façon unique, dans les espèces eucharistiques» (cf. n° 9 citant Paul VI, dans « Mysterium fidei », présence «réelle, non à titre exclusif, comme si les autres présences ne l'étaient pas, mais par excellence»).
De ce rappel des modes de la présence du Christ, l'Instruction tire la conclusion: «Aussi, au plan du signe, est-il plus conforme à la nature de la célébration que la présence eucharistique du Christ, qui est le fruit de la consécration et doit apparaître comme telle, ne se trouve pas déjà là, autant qu'il est possible, dès le début de la messe, du fait que l'on conserve les saintes espèces
dans le tabernacle» (no 53).
c) On pourrait ajouter le n° 24, relatif à la construction des nouvelles églises. « Il importe avant tout de situer et de construire l'autel majeur de telle façon qu'il apparaisse toujours comme signifiant le Christ lui-même, comme étant le lieu où s'accomplissent les mystères du salut, et le centre de l'assemblée des fidèles, signe du plus grand respect.» Il n'est pas dit dans ce texte que le tabernacle soit exclu, mais la volonté de marquer le signe autel-Christ laisse entendre qu'il sera mieux exprimé si _le tabernacle n'est pas installé sur l'autel majeur.
Cette deuxième solution est certainement meilleure. Elle doit donc être prise en considération et utilisée de préférence dans les aménagement liturgiques. Il ressort de ces textes qu'il est préférable de garder les saintes espèces dans un lieu distinct du sanctuaire afin que les fidèles, à qui il faudra l'expliquer, reconnaissent d'emblée par ces signes les différents modes de la présence du Christ.

Troisième disposition: le tabernacle dans le sanctuaire mais hors de l'autel majeur.
Cette solution peut être recommandée pour les églises qui ne dis- posent pas d'un lieu distinct du sanctuaire ou bien d'une chapelle séparée, pour la conservation et l'adoration du Saint-Sacrement. Grâce à une judicieuse répartition des lieux et éléments de la célébration, le tabernacle peut trouver place dans le sanctuaire, en étant fixé sur une stèle de bois, de pierre, ou de métal, ou encore encastré dignement dans un mur. Dans chacun de ces cas, on aura soin d’accompagner le tabernacle d'une tablette où l'on puisse poser le ciboire. Mais ceci suppose résolue la question de savoir si le tabernacle doit être nécessairement sur un autel.
Ce ne peut être une obligation puisque le n° 52 de l'Instruction « Eucharisticum Mysterium» dit que la sainte eucharistie « ne peut être gardée de façon continue ou habituelle que sur un seul autel ou dans un seul lieu de la même église. » Par contre, le n° 54 indique que «la sainte eucharistie sera conservée dans un tabernacle... placé au milieu du maître-autel ou d'un petit autel, mais qui surpasse vraiment les autres ". Mais le même texte ajoute aussitôt: « Selon les coutumes légitimes et dans des cas
particuliers que doit approuver l'Ordinaire du lieu, elle (l'eucharistie) pourra aussi être placée dans un autre lieu de l'église, vraiment digne et bien décoré» (ce qui suppose alors qu'il n'y a plus d'autel).
Le n° 54 de l'Instruction « Eucharisticum Mysterium» permet donc cette troisième disposition du tabernacle qui, bien que moins juste que la seconde, fait mieux droit que la première disposition (tabernacle placé au milieu du maître-autel) à ce qui est dit au n° 55 des différents modes de présence du Christ, et à leur manifestation successive lors de la célébration de la messe.

LES LIEUX DE DEVOTION
Il est juste que les fidèles trouvent dans leur église, à une place adaptée, une statue ou image de la Vierge Marie, d'apôtres, de saints fondateurs d'Ordre, de saints honorés dans la région... et, peut-être, un chemin de croix. Il faut seulement sauvegarder la hiérarchie des divers éléments en vue d'assurer une harmonie d'ensemble.
Observons, à propos de l'iconographie, que les vitraux, la décoration figurative ou non, ont pour fonction d'évoquer, même en dehors d'une célébration, la présence totale du mystère de l'Eglise dans la maison de l'église locale. On devra ici tenir compte à la fois de la révélation biblique, de la tradition, et de la culture religieuse et artistique de la communauté.

LA BIBLE
Certaines communautés aiment avoir pour la méditation individuelle une Bible de grand format posée sur un pupitre et accessible à tous, soit à l'entrée de l'église, soit près du sanctuaire, soit auprès du Saint-Sacrement.
Rappelons enfin que tous ces éléments, même minimes, doivent être prévus et intégrés dans l'ensemble de l'œuvre architecturale, sous peine d'incohérence et parfois de désastres, et surtout que le décor et l'iconographie ne viennent pas suppléer aux lacunes de l'architecture.

IX - SACRISTIE ET BUREAUX
Par sacristie on entend tout l'ensemble des services indispensables d'ordre matériel. La sacristie a servi aussi de lieu de rencontre ou de travail en commun, qui doit certainement être prévu d'une meilleure façon.
Accès: Il peut être utile qu'une entrée secondaire permette d'y venir sans passer par l'église.
Rangement: Des meubles fonctionnels doivent être prévus pour le matériel liturgique: vases eucharistiques, réserve de pain, de vin, de cierges, etc.
Vestiaire: Les prêtres et ceux qui exercent une fonction doivent y revêtir les vêtements liturgiques. Des meubles de rangement sont donc nécessaires. Des toilettes et un lavabo seront prévus. Une place suffisante doit être prévue pour l'habillage. De là, ou dans un corridor, se forme la procession d'entrée vers l'église.
Archives: Le registre de baptême de l'année peut être signé et rangé avec les saintes huiles près du baptistère. Le registre de mariage de l'année peut également être signé dans l'église, et les félicitations traditionnelles qui suivent la signature n'ont pas leur place dans un lieu de rangement. Mais une armoire pratique doit pouvoir conserver les archives paroissiales.
Entretien: Le matériel habituel d'entretien et de nettoyage doit pouvoir être proprement rangé (balais, échelles, vases à fleurs, etc). Un poste d'eau est nécessaire.
Technique: Il faut prévoir la meilleure place pour les commandes d'éclairage électrique, le réglage de la sonorisation, du chauffage. La sécurité ne sera pas oubliée: extincteurs, petite pharmacie, etc.
Bureaux: Nous avons déjà évoqué plus haut l'indispensable pièce d'accueil et de réception. En vue d'une célébration liturgique, les participants (prêtres, lecteurs, organiste, etc.) peuvent avoir besoin d'un endroit où ils prépareront la cérémonie.

X - ABRITER LES SERVICES DE LA COMMUNAUTE
La maison du peuple de Dieu sera-t-elle seulement un lieu de culte, ou encore le centre de la vie de la communauté? On a dit les risques graves qu'il y aurait - et pour ceux qui appartiennent à la communauté et pour ceux qui n'en font pas partie - à couper l'activité liturgique de l'Eglise locale de ses activités missionnaire, catéchétique et caritative. Mais ces activités multiples doivent-elles, pour leur efficacité, être concentrées en un même lieu?
En construisant aujourd'hui une église, il se peut qu'en certains endroits on puisse envisager, lié au lieu de culte, un complexe ecclésial dans lequel il s'insérera. Celui-ci comprendra bureaux de réception, salles de catéchèse ou de réunion, habitation du clergé... La vie liturgique est intéressée dans cette réalisation puisqu'il s'agit d'un ensemble architectural, mais aussi parce que certaines salles pourront éventuellement recevoir une destination liturgique secondaire.

XI - TEMOIGNER DE NOTRE FOI
On a traité jusqu'ici de la maison d'église en fonction des chrétiens, catéchumènes ou fidèles, auxquels elle est normalement destinée. Reste à évoquer une autre fonction, importante et délicate: que disent nos églises à ceux du dehors, incroyants, indifférents ou sympathisants ? Témoignent-elles de la vérité de notre foi?
I?ans le monde païen, les maisons d'église n'avaient rien qui les distinguât au dehors: au reste, nul n'y entrait qui ne fût initié, catéchumène ou sympathisant. Dans la chrétienté, l'église est devenue un monument, souvent le plus important de la cité, parce que tous en savaient la signification, et l'acceptaient. D'où l'importance accordée à sa décoration extérieure et à la majesté de son architecture. Qu'en est-il aujourd'hui? Nous ne sommes plus en chrétienté, et les églises ne sont plus les lieux religieux de tous. Nous ne sommes pas non plus en milieu totalement païen, car la foi chrétienne a marqué notre civilisation. Comment doit apparaître l'église au dehors, pour ceux qui n'y entrent pas? Même en évitant le triomphalisme d'époques antérieures, pouvons-nous encore nous imposer visiblement à la cité par des édifices religieux considérables et très coûteux? Certes, non. Les chrétiens ont, avant tout, à témoigner de la présence de l'Eglise au monde d'aujourd'hui par les qualités de leur foi, de leur espérance et de leur amour.
Cette situation ne plaide-t-elle pas en faveur d'un édifice qui se présente à tous comme « la maison de la communauté chrétienne », à la fois liturgique et missionnaire? Non plus lieu exclusif du culte, isolé en même temps et des autres maisons et des autres activités de la communauté chrétienne, mais bâtiment plus ouvert et plus pénétrable, dans lequel on trouverait des chrétiens accueillants à tous, prêts à dialoguer, invitant ceux qui le désirent à écouter la Parole de Dieu, et à prier en commun. L'initiation chrétienne et l'eucharistie auraient dans cette maison leur place plus réservée et plus intime. Nos lieux d'assemblée ne sont pas des temples érigés pour l'observance d'une religion installée, mais le signe vivant d'une Eglise en état de mission.

Conclusion
La construction d'une église est tout entière une œuvre d'art. Une telle réalisation appelle normalement, autour du maître d'œuvre, une équipe de réalisateurs. Mais le maître d'œuvre doit savoir que son ouvrage englobe tout et chaque chose de l'église. Ceux qui fournissent le programme doivent en être bien convainc,us, et laisser la réalisation intégrale du parti architectural au maître d'œuvre - ce qui n'empêche pas, bien au contraire, un nécessaire dialogue. Il sera d'autant plus nécessaire que la réforme liturgique annoncée par le Concile Vatican II est en cours et modifiera encore les données concrètes du culte célébré. D'autre part, le dialogue de l'Eglise et d'un monde qui évolue si rapidement fera apparaître de nouveaux besoins, et permettra d'imaginer de nouveaux moyens d'expression. Un tel dialogue est dans le rôle et relève de la compétence des commissions diocésaines d'art sacré.
Ainsi la construction d'une église exige de ceux qui l'entreprennent, outre la connaissance du programme liturgique, une technique complète de l'architecture et de tous les métiers intéressés, un sens artistique qui rejoigne la sensibilité des hommes auxquels l'œuvre est destinée, un sens religieux enfin qui permette à la communauté de trouver dans son église le signe de sa foi. Or, rien n'est signe sinon dans un ensemble cohérent. On bâtit l'Eglise - et l'église - non pas dans une uniformité sans vie réelle, mais dans l'Esprit d'unité et de vie.

Ce blog est au service de ceux qui cherchent entrer plus avant dans l'intelligence de la liturgie

On y trouve quelques causeries faites ici ou là ainsi que des textes, des références...
Il est tout à fait irrégulier dans ses contributions.
On peut chercher et trouver d'excellentes contribution sur le portail du Service National de Pastorale Liturgique et Sacramentelle : http://www.liturgiecatholique.fr/ ou bien sur les liens de ce blog ; liens variés...

Abbé Pierre Deprecq

Toute question de LITURGIE a sa réponse...

Quel est le sens de la liturgie? de la bénédiction? de l'encensement? des sacrements? Que signifient les gestes du prêtre ? ...
Toute question de LITURGIE a sa réponse...
Ce blog donne un écho de quelques questions et réponses à reçues et données à partir du site du diocèse de Bordeaux : http://catholique-bordeaux.cef.fr/
à la rubrique "UN PRÊTRE VOUS REPOND"